Voici un livre très intéressant pour les mélomanes, écrit par un musicien que j’aime beaucoup. J‘en ai extrait, ci-après, quelques passages particulièrement pédagogiques, mais le livre entier mérite la lecture !
- Aux États-Unis dans les années 50 il n’était pas possible pour les noirs de s’aventurer dans la musique classique. Nina Simone qui rêvait de Bach, Brahms et Chopin fut interdite de conservatoire. Pour vivre elle jouait du piano dans un bar. Un soir le taulier l’apostropha : si tu ne chantes pas je te vire. Alors elle se mit à chanter, comme personne peut-être.
Le fait d’être noir enlevait au compositeur le droit d’écrire pour les violons. En fait tout ce qui touchait à la musique classique était réservé aux blancs. Ainsi Duke Ellington associait aux cuivres quatre flûtes doublant la mélodie pour donner l’illusion d’entendre des violons. - Mozart tapote sur le clavier du clavecin de son père. Celui-ci lui demande : que fais-tu? Le bambin de trois ans répond : « je cherche les notes qui s’aiment ».
- Dans la musique indienne on joue les notes qui font mal: on joue une fondamentale sur une corde et sur l’autre corde un demi-ton au-dessus et on insiste longuement par exemple un ré bémol sur un do. C’est une torture chez nous, c’est interdit, c’est la punition. En Inde on éprouve la douleur. En appuyant sur cette dissonance, en la faisant durer, on l’épuise, on l’apprivoise, on finit par l’aimer, on est presque déçu quand la douce torture prend fin, que le ré bémol se pose sur le do.
‐ Dans la musique indienne il faut passer par le bas (le son grave) pour aller vers le haut ( le son aigu) il faut redescendre avant de remonter. Il est présomptueux d’aller directement au sommet : Do Fa Ré Sol Mi La… - Les premiers chants religieux sont des textes que l’on étire sur une seule note et que l’on va rythmer, avant de faire petit à petit des nœuds autour de ce fil tendu et d’introduire des inflexions qui vont donner naissance à des mélodies. Le chant grégorien est une ligne horizontale sur laquelle viennent se poser les mots du texte: on l’appelle la corde de récitation ou de cantillation.
- Le tempérament en musique
Deux musiciens étrangers peuvent dialoguer musicalement sans connaître leurs langues respectives à condition qu’ils accordent leur instrument de la même manière.
C’est le travail colossal que va accomplir Jean-Sébastien Bach avec une œuvre magistrale qui servira de référence : le clavier bien tempéré. Le tempérament dont il est question c’est une convention d’accord adoptée au 17e siècle. En effet les divisions de la gamme en intervalles égaux est une construction humaine artificielle. Selon qu’on choisisse une tonalité ,disons Ré, c’est le Ré qui donne le La si je puis dire. Car les autres notes de la gamme vont être accordées en fonction. Si le taux choisi est Mi, alors l’accord des autres notes sera relatif aux Mi et ainsi de suite. En décidant d’adopter un tempérament égal entre toutes les notes, plus aucune d’entre elles n’impose sa loi, et on peut transposer les mélodies dans n’importe quel ton : elles auront toujours le même caractère. Il devient donc possible de moduler bien plus facilement et librement. D’une certaine manière ce procédé, cette uniformisation des intervalles!, d’abord critiquée par certains musiciens – car à quoi bon choisir une tonalité en particulier si elles expriment toutes le même sentiment ? -, va permettre d’explorer beaucoup plus de tonalités à l’intérieur d’un même morceau et de le rendre plus varié, d’y intégrer des changements contrastés de couleur. C’est pourquoi le tempérament donne la possibilité à deux musiciens de deux régions différentes de communiquer plus facilement.