Après l’excellent concert des Lamoureux au TCE – lors duquel j’avais découvert à la fois Chausson et Hersant -, j’avais envie de revoir cet orchestre dans ses œuvres – un répertoire exclusivement français. – et sur un autre de ses « terrains » de concert, l’Eglise Saint-Eustache à Paris.
Samedi dernier 13 avril, étaient donc à l’honneur les Fanfares Liturgiques de Henri Tomasi et – Saint-Eustache et ses grandes orgues obligent – deux œuvres pour orgue et orchestre, le Concerto pour orgue N°1 de Thierry Escaïch et la Symphonie N°3 en ut mineur avec orgue op. 78 de Camille Saint-Saêns.
Outre l’Orchestre et sa soixantaine de musiciens, les vedettes sont Fayçal Karoui, le Directeur musical, à la baguette et Thierry Escaïch, compositeur et organiste.
Tous deux ont d’abord gratifié le public d’un entretien de 3/4 d’heure, juste avant le concert.– il fallait être là de bonne heure, ce qui m’a permis d’être très bien placé au 2e rang, à quatre mètres de la console de l’orgue, à droite, à égale distance du premier violon à gauche, pratiquement derrière l’estrade du chef – ce qui est une expérience inoubliable quand on est intéressé par le jeu des instrumentistes !
Le Compositeur nous précise comment il a bâti son concerto, créé il y a 15 ans « presqu’au sortir du conservatoire », avec le souci d’incorporer l’orgue comme un complément à l’orchestre pour y introduire les extrêmes graves et aigües qui n’y existent pas (défi magnifiquement relevé); comment il l’a joué ici même pour la première fois en 1995, un jour de grandes grèves des transports – » il n’y avait personne dans l’Église ! » nous dit-il; 🙁
Le Maestro Fayçal Karoui nous raconte ensuite comment le compositeur et lui ont tous deux débuté leur collaboration, il y a longtemps; d’abord à Pau avec l’Orchestre de Pau et des Pays du Béarn– OPPB qu’il a créé en 2002, puis à New York pour une commande du New York City Ballet Orchestra que Fayçal dirigeait jusqu’en 2011. « – A Pau, ce concerto dans la Cathédrale a été donné dans des conditions plus acrobatiques » nous raconte Thierry Escaïch, « J’étais perché à l’orgue, loin de l’orchestre et de son chef, simplement relié par des écouteurs pour se synchroniser et neutraliser les délais dus à la réverbération de l’endroit. En fait, seuls les gens situés au milieu de la cathédrale devaient entendre le concert correctement ».
Nous apprenons aussi que presque tous les grands orgues de Paris, tels celui de Saint-Eustache ou de Notre-Dame-du-Mont (dont Jean Guillou et Thierry Escaïch sont respectivement titulaires) ont été remaniés pour en faire des instruments modernes très polyvalents, aptes à jouer dans tous les styles (baroque, romantique, etc.).
L’acoustique des églises est un phénomène redoutable. De fait, nos deux conférenciers parlent dans un micro qui amplifie la réverbération des hautes voutes, au point que, situé à trois mètres d’eux, je ne comprends pas la moitié de leur dires ! Parlant encore d’acoustique, à la question : « Pourquoi l’Orchestre Lamoureux ne se produit-il pas à l’Église de la Madeleine, Fayçal répond : « Sur une échelle de 1 à 10 où 10 est la plus mauvaise acoustique, La Madeleine a… 11 ! » (éclat de rire général). Et de vanter l’Église Saint-Eustache à laquelle il est très attaché depuis le conservatoire, ce que le Curé de la paroisse viendra confirmer par la suite en soulignant que l’Orchestre Lamoureux y joue pratiquement depuis sa création.
Le concert débute avec les magnifiques Fanfares Liturgiques de Tomasi (son fils est dans l’assistance, qui se fait connaitre, ce qui fait dire à Fayçal « décidément les compositeurs sont là ce soir, pas de Monsieur Saint-Saëns dans la salle?)
Cette pièce est en quatre mouvements : Annonciation, Évangile, Apocalypse, Procession nocturne du vendredi saint. C’est très, très beau, en particulier le final.
Moi qui ne suis pas fan des ensemble de cuivres, je tire mon chapeau à celui de l’orchestre Lamoureux, dont le velouté du son, la richesse des harmoniques et la sensualité qui se dégage de l’ensemble est loin devant tout ce que j’ai jamais entendu en matière de fanfares, (sauf peut-être une fois au Mexique, à Oaxaca ?)
Vient ensuite le Concerto de Thierry Escaïch. Ce dernier est à l’orgue, qu’il tiendra tout au long du concert, avec la compétence et le brio d’un organiste et professeur parmi les plus brillants de sa génération (« vous êtes né en 1935, d’après le programme ? » s’étonne un auditeur, lors de l’avant concert, « Oui, je suis bien conservé » répondra Escaïch en souriant, pour faire oublier cette erreur typographique qui le vieillit de 30 ans)
Auparavant, Fayçal Karoui prend le temps de nous expliquer les différents aspects de l’œuvre, avec illustrations sonores par l’orchestre et l’orgue . On se croirait au Théâtre du Châtelet chez Jean-François Zygel (dont le programme nous apprend par ailleurs qu’il est membre bienfaiteur de Staccato, l’association qui apporte son soutien à l’orchestre.)
Comme le souligne Fayçal, il faut admirer l’art d’Escaïch d’utiliser l’orgue avec sa masse sonore qui entre en concurrence avec l’orchestre ou qui se marie délicatement comme tel autre instrument de l’orchestre avec les bois, les cuivres ou les cordes pour nous transporter jusqu’au plus haut des hautes voutes de l’église Saint-Eustache!
La Symphonie N°3 de Saint-Saëns s’avère évidemment plus classique, dans sa forme (deux mouvements subdivisés en deux) comme dans son développement thématique (un seul thème unifiant l’œuvre). L’orgue y est beaucoup moins présent, traité comme instrument à vent, mais il s’y ajoute un piano -que l’on entendait malheureusement mal. Cette symphonie se révèle tout aussi envoutante que l’œuvre précédente, dans son classicisme.
Prochains concerts des Lamoureux :
– Le 1er juin à Saint-Eustache avec un Poème pour orchestre à cordes de Petitgirard, les Litanies à la vierge noire de Poulenc et le Stabat Mater de Rossini, avec notamment Aurelia Legay, soprano,
– Le 20 juin au T.C.E, l’Opéra Pénélope de Gabriel Fauré avec notamment Roberto Alagna dans le rôle d’Ulysse,
JLF
Une réflexion sur « Tomasi, Escaich, Saint-Saëns – Orchestre Lamoureux à Saint-Eustache »