Turangalà¯la-Symphonie à  Pleyel, le chef d’œuvre de Messiaen

C’est par un un tonnerre d’applaudissements frénétiques que la salle Pleyel a salué l’exécution exemplaire de la symphonie de Messiaen – sa seule symphonie à  ma connaissance- par le SWR Sinfonieorchester de Baden Baden et Fribourg, un orchestre qui semble s’être peu à  peu spécialisé dans la musique contemporaine. Il était ici dirigé par un français, Sylvain Cambreling, avec Roger Muraro au piano, et Valérie Hartmann-Claverie aux ondes Martenot. Combien de rappels?
Je ne sais pas, dix ou quinze; en tout cas les mains nous chauffaient dans notre excitation aprês ce final éclatant, triomphal ! 🙂

Concert surement éprouvant pour les exécutants, et notamment pour le pianiste : il suffisait de voir le grand Muraro sauter en appui sur son piano à  chaque fin de chaque cadence – véritables chevauchées fantastiques caractéristiques de l’œuvre que d’aucun ont qualifié de concerto pour piano et orchestre, tellement ce piano est prégnant dans cette œuvre- un grand piano de concert pourtant bien à  la peine face aux tutti monstrueux de l’orchestre, notamment dans le 10e et dernier mouvement.
Ce Final, Modéré, presque vif, avec une grande joie fut l’un de mes préférés parmi les 10 mouvements de cette piêce d’une heure et demi, avec le 6e mouvement intitulé Jardin d’amour, três modéré, três tendre où¹ l’on entend les ondes Martenot rivaliser dans la suavité et la sensualité expressives avec la clarinette et les violons, servies par une interprête discrête et sensible. Drôle d’ancêtre que ce synthétiseur d’avant guerre dont il ne resterait plus que 46 exemplaires en état de fonctionner, d’aprês Jean-François Zygel… Mais je n’aurais garde d’oublier le chef -tout petit par la taille sur son estrade derriêre le grand pianiste, le grand premier violon…amusant contraste- : quelle précision dans la battue, dans une œuvre réputée difficile, et d’abord pour sa polyrythmie qui échappe totalement à  la mesure traditionnelle !
Et puis il ne faut pas oublier l’orchestre…je ne sais combien de fois il sera amené à  jouer cette œuvre monumentale, souveraine, mais j’imagine le travail de répétitions, de mise au point qu’il lui a fallu accomplir pour parvenir à  cette perfection.
Ce concert était évidemment enregistré par Radio France…que ceux qui n’ont pu y assister se réjouissent donc : ils pourront l’écouter sur France Musique, à  une date non encore précisée. PS : Il parait que Yvonne, la veuve de Messiaen était dans la salle…en tout cas j’ai vu Roger Muraro, son élêve et ami faire un grand coucou à  quelqu’un du premier rang, à  la fin du concert et l’inviter à  monter sur la scêne pour partager les applaudissements…était-ce une impression? PPS : Je vais me faire (encore) plus rare, pendant les 15 ou 20 jours qui viennent…vacances de février obligent 😉

6 réflexions sur « Turangalà¯la-Symphonie à  Pleyel, le chef d’œuvre de Messiaen »

  1. C’est une œuvre majeure et magistrale
    Jean-Armand tu as notemmant cité l’Ascension, j’y ajoute les Offrandes oubliées, 1ère œuvre d’orchestre du Maître, œuvre ou les couleurs sont d’une grande richesse et que j’affectionne particulièrement

  2. Rien à  redire ! TOUT était fantastique !!
    Les deux grands pianistes de cette symphonie sont, à  mes oreilles, Roger Muraro et Jean-Yves Thibaudet. ce dernier ayant réalisé un enregistrement absolument magistrale avec le Concertgebouw – dir. Chailly.
    Trop de chefs ont endance à  oublier que Messiaen aimait son 5e mouvement "rapide" et fougueux. Je me souviens d’une soirée mémorable dirigée par Zubin Metha durant laquelle le chef prit un tempo franchement rapide pour ce 5e mouvement, Messiaen était enthousiasmé.

    Quoi qu’il en soit, quel plaisir de voir tout ce public enthousiasmé par l’œuvre de Messiaen.

  3. Merci Mazurka pour ce 5e mouvement. C’est vrai que cela fait furieusement grand orchestre de jazz avec ces tutti de cuivres, ce rythme. Je n’avais pas eu cette impression à  Pleyel.
    Question d’interprétation?
    Ceci étant, le son sur Youtube est tellement raboté…si seulement on avait mis ça sur Dailymotion dont la définition (son et image) est nettement meilleure…
    Enfin, on attend ton papier, Mazurka, maintenant qu’il est publiquement annoncé 🙂

  4. je voulais dire : Messiaen disait de prononcer " Tourà¢negheulaî-lࢠen accentuant les "dernières syllabes" évidemment ! …
    vous aurez compris …

    et pour écouter le cinquième mouvement "joie du sang des étoiles " avec Aimard (Piano) et Davis :

    Alors… ça swing ou pas ?

  5. merci JLF et Jean-Armand pour cette belle rétrospective de la Symphonie Turangalila, Messiaen disait de prononcer " Tourà¢negheulaî-lࢠen accentuant les premières syllabes en les prolongeant un peu…(c’est du sanskrit )

    "Turanga" c’est le temps qui court "comme le cheval au galop" dit Messiaen, et "Lila" signifie à  la fois jeu (jeu divin sur la création ) et Amour donc il la définit comme : "chant d’amour, hymne à  la joie, mouvement , rythme, vie et mort " …

    Quant à  moi, je l’appellerai bien "le Concerto-géant", tellement ce concerto pour piano et orchestre est monumental et presque "américain" ! à  l’image des architectures démesurées ( il a été composé en 1946-49 pour le Boston Symphony orchestra )

    J’apprécie aussi le sixième mouvement "jardin du sommeil d’amour" d’autant que le piano fait chanter les oiseaux…merle , rossignol fauvette…et que Cordes et Ondes Marthenot se partagent bien cette musique construite sur ce thème d’amour .
    Curieusement un de mes mouvements préférés est le cinquième, "la joie du sang des étoiles", très rythmique et exubérant…
    ( Dès qu’il y a du rythme et des syncopes, on évoque le jazz, est-ce qu’on a raison ou pas ?… a -t-on vraiment swinguer en musique avant le jazz ?…)

    Je ne peux pas croire que Messiaen n’ai pas aimé le jazz, c’est mathématiquement et musicalement impossible, il n’a pas eu le temps d’écouter, c’est tout…et il doit se rattraper en ce moment même…

    à  propos d’Olivier Messiaen, j’ai entendu une merveilleuse leçon donnée par JFZ au Théà¢tre du Chà¢telet à  Paris le 5 mai 2008 dernier, je vous en dirai plus très bientôt.

    pour vous tenir au courant des leçons, cabarets , concerts et prestations de Jean -François Zygel vous pouvez consulter son site
    officiel là  : http://www.jeanfrancoiszygel.com...
    retenez aussi la date du 17 mai 2008 c’est la nuit de l’improvisation
    au chà¢telet par ZYGEL de 21 h à  2 h du matin !

    Mazurka

  6. Pour ma part j’étais à  l’arrière-scène, c’est-à -dire derrière l’orchestre. On entend très bien, et on ne perd aucun détail du chef. En revanche, ce concert souffrait de deux défaut matériels.

    Le premier : il y avait un haut-parleur de retour qui émettait une petite note aigà¼e. Comme j’étais situé à  l’arrière scène, je l’entendais, ainsi que tous les musiciens. Sylvain Cambreling le regardait de temps en temps avec un air agacé. Heureusement, la plupart du temps la note du haut-parleur était couverte par l’orchestre.

    Second défaut, on n’entendait pas du tout l’onde Martenot. Là  encore, problème spécifique à  l’arrière-scène ?

    Maintenant, pour parler du fond, il y a d’autres œuvres de Messiaen que je préfère, par exemple l’Ascension, les 20 Regards sur l’enfant Jésus, les Oiseaux exotiques. Dans la Turangalila symphonie, je n’aime pas son principe de développement par répétition, non plus que le thème « gershwinien » du 5ième mouvement, et de façon générale son traitement de la tonalité. En revanche j’aime les interventions du thème-statue, et, comme Jean-Louis, le mouvement lent (6ième).

    Ce thème-statue est celui énoncé par les cuivres, isolés, plusieurs fois dans la pièce. Il est formé d’accords, et comporte notamment une transition majeur – mineur dans le même ton, avec saut d’octave vers le bas. Le célèbre début d’Ainsi parlait Zarathoustra, de Richard Strauss, comporte aussi cette transition très inhabituelle – à  ma connaissance Strauss est le premier à  l’avoir autant mise en exergue -, mais pas le saut d’octave.

    Il paraît que Messiaen n’aimait pas le jazz, et n’aurait pas apprécié qu’on en parle à  propos de sa symphonie. Chez lui la syncope se justifie par de subtils raisonnements, où¹ les rythmes hindous ont leur place, ainsi que sa théorie sur les rythmes non rétrogradables et sur les personnages rythmiques. Il n’en reste pas moins que le 5ième mouvement présente de furieuses ressemblances avec le jazz, au point que cette influence soit citée, par exemple, sur le site du Philharmonia Orchestra (qui a un programme Messiaen cette année, organisé par Pierre-Laurent Aimard).

    Durant le concert, j’ai noté l’importance de la dominante dans cette pièce : sous forme de degré V, et sous forme de note à  la mélodie. La pièce finit d’ailleurs sur une dominante. Le degré V est également présent sous forme de quarte et sixte – de façon générale les accords sont souvent en second renversement, une manière de s’échapper de l’harmonie tonale classique.

    Puisque la Turangalila symphonie fait partie d’une trilogie explicitement consacrée Par Messiaen à  Tristan et Isolde, il est possible que cette présence de la dominante soit un hommage à  l’opéra de Wagner, sans doute l’œuvre de la musique occidentale qui exacerbe le plus le mouvement dominante – tonique. On trouve par ailleurs dans la Turangalila un bout de thème qui rappelle celui de Tristan.

    Toutefois, il y a une différence fondamentale entre Wagner et Messiaen : chez Wagner l’harmonie se confond avec la polyphonie (comme chez Bach), alors que chez Messiaen elle est entièrement couleur, autrement dit elle est sa propre justification.

    Quant à  l’absence de développement sous forme de tension croissante (enfin, c’est une absence relative…), on peut y voir l’influence de la musique hindoue, aussi bien que celle de Stravinsky (le Sacre du printemps) ou Debussy.

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