La passion Boléro, Maurice Ravel

Je croyais « tout savoir » :-) du Boléro de Ravel, après le récent concert le plus haut du siècle, après avoir visionné le DVD de Zygel ( Les clefs de l’orchestre 02, excellent !), après la lecture du Ravel de Jean Echenoz, après le film de Lelouch, après, après… Mais l’émission La passion Boléro sur Arte, hier soir, documentaire de Michel Follin (*) s’est révélée passionnante et très instructive, à travers les divers éclairages qui nous étaient donnés d’un sujet pourtant rebattu.
Gilles Macassar, dans Télérama rapporte cette réaction pince-sans-rire de Ravel : A propos d’une auditrice qui s’était écrié « Au fou », Ravel avait opiné en disant : celle-là, elle a tout compris !

Et en effet, quand on voit, dans un court métrage étonnant le regretté Jacques Villeret faire le batteur du Boléro sur sa caisse claire, répétant le même battement telle une boite à rythme pendant 18 minutes sans broncher (mais avec force grimaces), on pense au travail à la chaine, et plus généralement à tous ces travaux et exercices que la société mécanisée d’aujourd’hui nous amène à réaliser, hors de nous-même.
Hier soir, on nous a parlé de la drôlerie tragique de ce personnage Boléro, de sa dimension sexuelle avec cette montée du désir et cette libération finale dans une modulation unique.

On nous a parlé aussi de ce double thème qui trouverait son inspiration dans le folklore basque, démonstration assez convaincante au piano par une compositeur et musicologue du pays.

Et surtout, on nous a livré, par la bouche du pianiste Arthur Rubinstein une nouvelle version de la genèse de l’œuvre. D’après lui, la commande de Ida Rubinstein, son amie et mécène, spécifiait un « ballet de caractère espagnol » devant durer au moins 18 minutes pour que la durée totale du spectacle (avec les deux autres ballets prévus) soit convenable.

Ravel protesta qu’il ne savait pas composer « à la minute »…
Et finalement, excédé, il décida de composer un thème d’une minute, à répéter 18 fois à un rythme immuable, pas trop rapide -Toscanini se fit engueuler à la générale car il l’avait joué deux fois trop vite-…et il confia à un ami : « c’est un thème très long, incommode, joué dans la même tonalité, des fois que cela marche aussi bien que la Madelon » ! 😉

(*) Rediffusion le 8 février à 8H00.

11 réflexions sur « La passion Boléro, Maurice Ravel »

  1. bonjour Sorges, je ne pourrais repondre a ta question, par contre une chose est sur c’est qu’a l’epoque de l’ecriture du Bolero, Ravel etait deja atteint a un stade certain de degenerescence neuronale, il perdait progressivement ses facultés de memorisation…………………ce qui a d’ailleurs medicalement "abouti" a une trepanation infructueuse…………

  2. Il parait que Ravel, à  la première page de son manuscrit du boléro aurait écrit:"rentrez vous bien ça dans la tête" . Est-ce véridique ??

  3. oui, merci jean-armand, c’est vrai tu as raison et il faut effectivement relativiser, c’est en cela qu’une analyse est en grande part subjective, tes remarques sont tres justes et pleines de bon sens,
    en definitive j’arrive en effet a y ressentir un emprunt (pour ne pas dire plus), emprunt fugitif pour appuyer une retombée sur do, mais il faut vraiment que je me force a l’entendre, tant l’attraction de do le gomme, ……………

    tout est effectivement affaire d’oreille a ce stade, effectivement en regardant des partitions de Bach par exemple, on peut facilement egalement arriver a des desaccords qui se defendront tout aussi bien dans un sens que dans l’autre,

    merci pour toutes ces precisions, a mediter……..

  4. J’ai relu le début de la partition, et oui, j’entends bien l’emprunt à  fa mineur. De même, j’entends la mineur dans le "changement de tonalité sur mi" dont tu parles. Ceci dit, appeler ça un emprunt à  fa mineur ou mi mineur est largement conventionnel. Je m’explique.

    La même question se pose chez Bach, dont nombre de chorals en mineur ont une mélodie qui se termine sur la dominante, par exemple sur mi pour un choral en la mineur (à  la clé), avec un accord de mi majeur. L’explication que je préfère est de dire qu’il s’agit d’une fin sur une demi-cadence, mais on peut dire aussi qu’il s’agit d’un mode de mi. Historiquement, c’est l’explication "mode de mi" qui est exacte : Bach a repris des airs de chorals luthériens, qui étaient en fait repris des chorals grégoriens, lesquels étaient écrits en mode de mi. Il n’empêche que pour l’auditeur du XVIIIième siècle, il s’agissait bien d’une fin en demi-cadence, parce que son oreille n’était plus habituée au mode de mi ! Et pour l’auditeur actuel, ça se discute, mais je pense que pour 95% des mélomanes on est bien en la, pas en mi modal.

    Dans le cas de Ravel, on peut citer aussi Duruflé, dont le merveilleux Requiem exploite très bien les modes anciens. Maintenant, comment l’auditeur des années trente entendait-il cette deuxième partie de la mélodie du Boléro : comme un mode de mi sur do, ou comme un emprunt à  fa mineur sur pédale ?

    De même, dans la musique espagnole, l’enchaînement typique Do m – Si b 7 – La b 7 – Sol 7, peut être interprété en Do mineur, ou en mode de mi sur Sol, la deuxième version étant vraisemblablement plus correcte (cet enchaînement vient de musiques populaires, elles-mêmes influencées par des modes gitans, etc.). Il n’empêche que pour l’auditeur français moyen (sans parler de la vieille dame du premier rang), on va de la tonique Do à  la dominante Sol en passant par quelques accords gentiment colorés.

    Un point à  noter, c’est que l’alternative "mode de mi" ou "mode de la" ne se résoud que lorsque l’on regarde la note finale de la pièce : s’il s’agit d’un mi, on est en mode de mi. L’inconvénient, c’est qu’on ne connaît la note finale qu’à  la fin de la pièce ! Pendant tout le morceau, on peut très bien penser qu’on est en mode de la (ou de do). C’est particulièrement vrai pour Bach, où¹ la "bizarrerie" n’intervient vraiment qu’à  la fin du choral : en cours de morceau, les phrases se terminent sur la "tonique" tonale (je veux dire : la, en la mineur). Ca l’est moins pour la musique espagnole, car toutes les phrases ou presque se terminent sur la dominante.

  5. j’ai oublié de rajouté pour info, changement de tonalité final sur mi: mode hybride, mode de sol avec une sixte abaissée d’un demi ton (mi fa# sol,# la si do re mi), avant la definitive retombée sur do………

  6. bonjour jean-armand,
    j’ai lu avec grand interet ton post,
    c’est effectivement interressant theoriquement cette tonalité de fa min, mais je n’arrive absolument pas a l’entendre, la pedale de do etant a mon sens toujours une pedale de tonique,
    je sais que par contre il y a juxtaposition tres discrete d’un autre tonalité (dans le plein feu de la montée), peut etre donc fa a do…..(comme subliminale)

    tu dis que cela expliquerai ces notes, y a t’il besoin d’explication a l’utilisation de mode, et l’utilisation d’une pedale de tonique pendant 18 min?
    debussy mort en 1918 (pedale pendant tout un morceau sur une meme tonalié ou presque ex: voiles, modes substitués au tonalité strict…..), avec le Bolero je crois qu’on est au debut des année trentes….
    le langage modale etait par ailleurs tres familier a Ravel, et cela ne m’etonne guere (ce defilé de mode sur do)

    retrouve le theme d’oreille, harmonise le, et dis moi alors si tu ressens la tonalité de fa min a quelconque moment (une analyse etant en partie subjective, ton analyse m’interresse au plus haut point)

    merci par avance

  7. Effectivement, le célèbre thème a deux parties :
    – une partie en do majeur pur,
    – une partie avec des emprunts, et des accords sur pédale de do. Je ne me souviens plus bien de cette partie du thème, il me semble toutefois que ce sont des emprunts à  fa mineur, l’accord étant un do 7ième puis 9ième de dominante mineure. Ce qui explique les notes indiquées par Pitchoun.

    Ce dont je me souviens bien, par contre, c’est que dans la partie avec des emprunts, ce sont des timbres légèrement "grotesques" qui sont utilisés pour la mélodie, en particulier le trombone avec des glissandi, et la petite clarinette en mi bémol.

  8. juste un petit mot pour dire qu’il y a bien plus d’une modulation dans le Bolero, meme si la "tonique" reste do pendant toute la montée des 18 minutes, le mode change, en partant par do maj pur et dur, puis mode de sol sur do (do,re,mi,fa,sol,la,sib,do), puis un mode hybride sur do (do, rebecarre,mi,fa, sol, lab, sib,do, et meme reb), puis un mode de mi sur do (do, reb, mib, fa, sol, lab, sib, do)………….
    effectivement, avant le changement de tonique final, le ton est le meme, do, mais les modulations sont elles assez nombreuses en fait, meme si cycliques, et tellement subtiles qu’elles pourraient passer inaperçues…..

  9. j’ai assisté à  une représentation du boléro de Ravel l’été dernier, dans le cadre du Festival Berlioz à  La Côte Saint André (38), donné par l’orchestre français des jeunes, c’était terrible !!!! au rappel, ils l’ont joué debout, c’était extraordinaire !!!!!

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