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Le pianino de Chopin

Saviez vous que Chopin a écrit ses nocturnes avec un pianino que lui avait offert Ignace Pleyel quand il résidait avec George Sand  aux Baléares ?
Le pianino est un petit piano droit de six octaves et demie, fabriqué entre 1835 et 1842, doté d’une belle résonance naturelle et d’un timbre velouté avec sa table d’harmonie équipée de doubles cordes en fer doux. Le pianiste Justin Taylor, lauréat des dernières Victoires de la musique classique a enregistré pour  Alpha Classics une sélection d’études, de préludes, de nocturnes et de mazurkas, qui s’accordent parfaitement avec le son de cet instrument, restauré à l’identique par le facteur et collectionneur Olivier Fadini(*).
En voici un exemple, très émouvant, avec cet enregistrement par Justin Taylor du fameux  Nocturne n° 20 en do dièse mineur, Op. Posth. B 49 :

Et pour ceux qui voudraient approfondir l’étude de cette œuvre, voici une vidéo pédagogique qui montre au ralenti le jeu au clavier et la partition qui défile:

(*) Justin Taylor donnera un concert le 13 avril au Théâtre des Champs-Élysées sur un pianino de 1839 et sur un Grand Pleyel de la même année (cf . l’article de Marie-Aude Roux – Le Monde du 10 avril)

La musique de Ravel, rien que sa musique

Il est rare de visionner un documentaire musical d’une telle qualité !
Ce documentaire Ravel en mille éclats de François-René Martin et Gordon  » est un bijou ». tant par sa beauté formelle que par ses choix musicaux. Il nous révèle la vie de Maurice Ravel (1875-1937) au cours d’une déambulation poétique dans les lieux emblématiques du compositeur à travers sa musique, dirigée notamment par Klaus Maïkelä et jouée par l’Orchestre de Paris et de merveilleux interprètes tels les pianistes Bertrand Chamayou et Célia Oneto Bensaid,  les sopranos Sabine Devielhe et Marie -Laure Garnier, le quatuor Modigliani, la violoniste Raphaëlle Moreau, le chœur Accentus et sa cheffe  Laurence Equilbey.

Arte propose  ce documentaire sur son site jusqu’en 31/03/ 2026. Voir la présentation ci-dessous et l’analyse que Télérama lui  consacre dans le numéro 3920 du 1 au 7 mars 2025.

 
 
 
 

Interpréter une œuvre musicale

Comment prendre connaissance et interpréter une œuvre musicale ? Faut-il y aller « à l’instinct » en essayant simplement de respecter au plus prés les indications figurant sur la partition ?
Faut-il au contraire à l’instar des grands interprètes approfondir la composition dans son contexte : projet du compositeur, circonstance de son travail (vie matérielle et affective), influences musicales du moment,  contraintes (notamment d’instrumentation) ou au contraire facilités dont il a pu momentanément bénéficier, etc.

Sidonie Blaise dans un article du Monde  approfondit le sujet en analysant  le livre « Interpréter. Pour une théorie de la reproduction musicale » (*) du philosophe Theodor W. Adorno (1903-1969) . Voici quelques extraits de  cet article :

Dans cet essai, qui réunit en particulier des notes sur Frederick Dorian, Wagner, Bach, Beethoven, Berg ou Schoenberg, le philosophe de l’école de Francfort, également pianiste et compositeur, fonde sa réflexion sur le fait que « la musique n’est pas un langage », mais une « langue sans intentions ». Il se propose ainsi d’élaborer une théorie de l’interprétation qui soit spécifique à cet art (…) Face à l’écueil d’une interprétation musicale « historiciste » (qui respecterait scrupuleusement la lettre de la partition), le philosophe prône une interprétation dans l’esprit de l’œuvre, qui consiste pour le musicien à l’analyser et à la comprendre comme un tout avant de la jouer avec sa gestuelle et son corps propres – pensons à la forme et à la force des mains du pianiste, qui structurent son style (**).

Opposé à toute pensée relativiste, selon laquelle l’interprétation dépendrait de chaque musicien, Adorno esquisse, par une fine dialectique, une théorie générale. L’interprète, dans sa subjectivité même, doit viser un juste accord avec les notations et la gestuelle suggérée par ces notations afin d’éclairer la cohérence de l’œuvre. Ainsi, « l’objectivité de la reproduction présuppose la profondeur de la vision subjective, sous peine de n’être que le décalque rigidifié de la surface ».
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(*)Interpréter. Pour une théorie de la reproduction musicale
(Zu einer Theorie der musikalischen Reproduktion. Aufzeichnungen, ein Entwurf und zwei Schemata),
de Theodor W. Adorno,
édité par Henri Lonitz, traduit de l’allemand par Martin Kaltenecker, Philharmonie de Paris Editions, « La rue musicale », 448 p., 17 €.

(**) Cette remarque sur la gestuelle d’une oeuvre me rappelle cette anecdote que m’a raconté Florentine Mulsant « Quand j’ai montré ma partition à Demarquette, il m’a dit : Dans cette tonalité tu ne me facilites pas l’interprétation, en la baissant d’un  demi ton je pourrais utiliser la » corde à vide » ce qui serait beaucoup plus simple ».
Ou cette autre du pianiste Eric Heidsieck : « Chez Ravel ou Chopin, on sent le pianiste car il compose en facilitant le passage du pouce dans les montées rapides ».