C’est en nous amusant, « scherzando » en italien (*) que JFZ nous a parlé vendredi dernier, à la Mairie du XXe de Paris du scherzo, cette forme musicale, pièce d’énergie et de caractère que l’on trouve habituellement en troisième partie de la forme sonate, mais qui peut constituer un morceau à lui tout seul, tel « L’apprenti sorcier » de Dukas.
Le scherzo, c’est comme le sandwich nous dit JFZ : du pain (le scherzo proprement dit), du jambon (le trio, intermède au ton plus doux), et du pain à nouveau.
Ce sandwich là se déguste sur un rythme à trois temps, plutôt vif, comme son ancêtre le menuet de Lully, même si Beethoven, pour se faire remarquer en a composé un à deux temps (op. 131) et Prokofiev un autre à quatre temps et Debussy à …5 temps.
L’histoire du scherzo, véritable tranche d’histoire de la musique s’étend sur deux siècles, en gros de Beethoven à nos jours. Avant, on trouve déjà un scherzo chez Haydn (Op. 33), mais il s’agit là d’une pièce « scherzando » (« pour rigoler ») plutôt que d’un vrai scherzo, comme le serait davantage son « menuet » opus 94 écrit 17 ans plus tard.
Mais la structure en sandwich ne rend pas compte de la véritable complexité de cette forme musicale, telle que l’a développée Beethoven, par exemple, le Roi du scherzo (plus de 100 scherzos à son répertoire).
Chaque tranche de pain se subdivise en effet en plusieurs parties plus ou moins symétriques qui interagissent en variant les thèmes, les nuances, les jeux de cadences, le rythme.
Dans la première période du scherzo, on répétait simplement le premier thème et on enchaînait sur un second thème, dans une forme de type AAB. Plus tard on va compliquer en doublant chaque partie, AABB.
Au XXe siècle, Franck et ses élèves, les Fauré, Debussy, Ravel multiplient les formes nouvelles. Ravel invente une nouvelle symétrie avec la structure A(A+B)A où¹ les thèmes A et B sont imbriqués sur plusieurs voix dans la partie centrale. Johan Alain va jusqu’à inventer la forme B, A, B (…?); Debussy complique les choses en introduisant des thèmes récurrents dans toutes les parties, y compris dans cet intermède qu’est le trio, pièce centrale de la forme scherzo, il invente le « scherzo variation » avec des rythmes à 5 temps joués en pizzicati.
Mais tout cela ne rend pas compte de l’essence même du scherzo, qui est d’exprimer l’humour, l’humeur et plus généralement les sentiments.
– L’humour avec des pièces qui empruntent au style du « landler »(**), cette pièce paysanne au rythme appuyé sur le premier temps. Exemple, Mozart: DO SI DO MI DO SOL MI FA RE LA SOL MI etc. ou Mahler dans sa 9e symphonie.
– L’humeur, parfois sombre, pesante de Beethoven, qui joue sur le matériau et l’opposition énergétique dans sa messe en Ut.
– Les sentiments qui résultent encore du travail sur le matériau de Schubert avec le scherzo de « La jeune fille et la mort » – dans une forme de type AABCAAD , où la partie scherzo est triste et le trio consolateur.
– Sans oublier les scherzos « grotesques » (à la fausse trivialité) de Chostakovitch (plus de 30 scherzos dans son œuvre), vulgaire au second degré, ou les scherzos fiévreux, haletants d’un Schumann dans ses quatuors sonates, ou encore le coté fluide et coloré des scherzos de Debussy ou Ravel, très espagnolisant.
Terminons en musique, comme dirait JFZ, avec cet extrait du scherzo op.61/1 du Songe d’une nuit d’été que Mendelssohn a écrit à 17 ans(***).
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(*), « C’est pour le fun » diraient les québécois, « c’est rock’nroll » disent certains français.
(**) C’est notre « contredanse », en français. JFZ a fait allemand première langue ! 🙂
(***) La 18e leçon de mes 20 Leçons d’harmonie donne plus de détails sur le scherzo et les formes de la musique savante.