Survivre, mode d’emploi

Lucidité, Courage, Pragmatisme, les trois vertus pour durer . Pour Jonathan Safran Foer : « Il nous faut devenir des gens qui ne volent rien à la planète »

(Article publié dans le journal Le Monde, propos recueillis par Catherine Vincent).

Pour l’écrivain new-yorkais, John Safran Foer, notre espèce vit sous la menace d’un suicide de masse. Contre le réchauffement climatique, il s’interroge sur la manière de réduire drastiquement la consommation de produits animaux

ENTRETIEN

[…]Le propos essentiel de votre dernier ouvrage est que nous pouvons tous agir contre le dérèglement climatique en réduisant sérieusement notre consommation de produits d’origine animale. Pourtant, il faut attendre la page 76 pour lire : « Ceci est un livre sur l’impact de l’élevage sur l’environnement. » Avant cela, vous nous parlez de tout autre chose, alternant réflexions personnelles et anecdotes de votre vie quotidienne. Pourquoi avoir choisi de procéder ainsi ?

Pour deux raisons. Quand je me suis lancé dans ce projet, j’étais dans un état de doute avancé sur ce que j’étais capable de faire, personnellement, pour lutter contre le réchauffement de la planète. Je voulais partager ces doutes. Laisser une trace écrite du chemin pris par mon combat intérieur, de ma réflexion et de ses digressions. Le changement climatique est un sujet tellement difficile ! Par ailleurs, les conversations sur la viande, les produits laitiers et les œufs mettent les gens sur la défensive, elles agacent.

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Colophane

Un article de Wiebke Drenckhan Et Jean Farago (Le Monde du 6/11/2019)

Depuis Verlaine, on sait que l’automne et le violon ont quelques correspondances, sur lesquelles le poète reste cependant évasif. S’agit-il des couleurs fauves que le violon emprunte à l’automne, ou de sa voix si particulière, dont le son entretenu évoque les longues plaintes des vents de la saison ? Ce timbre unique du violon et des instruments de sa famille provient de son mode d’émission, où les cordes frottées par l’archet produisent un son continu.

On assiste là à un petit miracle, car l’excitation continue d’une corde et sa vibration libre (condition de l’émission d’une note bien définie) sont a priori incompatibles. Pour rendre ceci possible, les musiciens ont dû trouver une astuce. Car le son ne peut pas être produit par le simple frottement de crins de cheval sur une corde tendue : quand on passe un archet dont la mèche est neuve sur un violon, on n’entend strictement rien ! Et pour cause : la tension de la corde est tellement importante que les crins, assez élastiques, ne peuvent jamais l’entraîner, sauf en appuyant très très fort (mais alors, adieu les pianissimos !). La solution élégante et pragmatique, optimisée au terme d’une évolution historique sans doute longue, consiste à disperser sur l’archet des particules micrométriques de colophane.

Ce produit issu de la résine de pin ressemble à un ambre cassant dont la couleur varie du jaune orangé au noir. Dans les coulisses des salles de concert, les musiciens frottent leur archet contre un bloc de colophane, produisant une poudre blanche qui adhère naturellement aux crins. Et le miracle opère : sans pression excessive, l’archet entraîne désormais les cordes, et le musicien peut moduler avec finesse la puissance acoustique qu’il émet.

« Coller-glisser »

Pour le physicien, le processus à l’œuvre au point de contact du crin et de la corde est un phénomène passionnant. Continuer la lecture de Colophane