Beau programme à Pleyel, hier au soir : Le compositeur estonien Arvo Pärt (Cantus in memoriam of Benjamin Britten), l’anglais Benjamin Britten (Sinfonia da Requiem), et Mozart (Messe en ut mineur, K. 427) par l’orchestre de Paris en pleine forme dirigé par son futur chef, l’estonien Paavo Järvi (il remplace Christoph Eschenbach l’année prochaine).
Vous me direz : programme pas vraiment réjouissant. Détrompez-vous, rien de lugubre, au contraire ! Le Cantus de Pà¤rt que je découvre est une œuvre d’une touchante simplicité dans ces notes qui descendent l’accord parfait : la sol fa mi ré do si la, et qui se répêtent sous les archets de l’orchestre; chaque pupitre d’instruments entre à son tour, lentement, en un long crescendo puis décrescendo, ponctués par les tintinnabuli des cloches, pendant que les cuivres et bois brodent autour de ce thême immuable.
Est-ce l’orchestration? Est-ce l’agencement des voix? En tout cas, c’est une des piêces qui me laisse la plus profonde impression, par sa sincérité, son originalité, son dépouillement minimaliste, parmi toutes celles que j’ai découvertes depuis quelque temps. Cette musique statique arrête le temps. Elle se termine trop vite.On peut l’écouter ici. La Sinfonia da requiem écrite par Britten, exilé à New York au début de la 2e guerre mondiale est une œuvre plus romantique, plus « classique » aussi, même s’il s’agit d’une « messe » symphonique !
Le premier mouvement, Le Lacrimosa s’ouvre sur un grand fracas des timbales. Voilà qui nous secoue aprês le Cantus planant d’Arvo Pà¤rt !
Il se poursuit dans une « marche lente et douloureuse » nous dit Britten, dans la tonalité de ré (la tonalité principale du requiem de Mozart) , vers le registre aigu des violoncelles, bassons, altos, hautbois, clarinettes, flà»tes et saxophone alto, que j’ai d’abord pris pour un son de cor avant de le découvrir au milieu des bois !
Le deuxiême mouvement, le Dies Irae, c’est la « danse des morts », dixit Britten. Mouvement frénétique, musique rageuse qui fait penser à Stravinski.
Le troisiême mouvement, Requiem aeternam est par opposition au précédent d’une lumineuse sérénité. L’orchestre a enchaîné le Cantus de Pà¤rt et la Messe de Britten comme dans une course de relais, au point qu’à l’entracte, certaines personnes font part de leur étonnement : elles ne se sont pas aperçues qu’elles avaient entendu deux œuvres différentes comportant chacune trois mouvements !
Au moins ne seront-elles pas déroutées par la messe en ut mineur de Mozart ! A l’entracte, les démiurges de l’installation de plateau s’en donnent à coeur joie, évacuant le grand piano à queue par l’ascenseur central sous le plancher, remontant les gradins du fond avec les vérins électriques, disposant la centaine de chaises autour du petit orchestre Mozartien pour y asseoir le choeur Et la grand messe de Mozart commence, aprês l’arrivée impressionnante des cent choristes, tout en noir. Que dire de cette messe en ut de Mozart? C’est beau. Tout simplement. Comme du Mozart !
L’orchestre de Paris est en pleine forme, tout comme les chanteurs, ceux du choeur de l’orchestre de Paris (des amateurs d’un grand talent. Ce choeur recrute, d’ailleurs), sans oublier les solistes, les soprani Claire Debono, et surtout Camilla Tilling. On entendra moins (question d’acoustique?) les deux hommes, le ténor Timothy Robinson et la basse Markus Butter. Un petit mot sur le nouveau chef, Paavo Jà¤rvi. Avec sa calvitie, son allure, il ressemble vaguement à Vladimir Poutine… Mais il nous fait une bien meilleure impression! L’homme est d’une grande simplicité, três « naturel » quand il conduit l’orchestre, chaleureux et proche de ses musiciens. Et un grand chef, qui nous a servi un grand concert. Beaucoup mieux que le précédent.
Ce concert sera diffusé sur France Musique le 26 février 2009 à 14H30.
Bonjour Jean-Louis,
J’étais aussi à ce concert ! Au deuxième rang de l’orchestre, au centre, les chaussures de Paavo Jà¤rvi à deux mêtres de mon nez. Ce qui était très bien pour Pà¤rt (orchestre à cordes), moins pour Mozart (les solistes étaient certes proches mais le choeur sonnait vraiment flou).
J’avais réservé ce spectacle pour le Canticus de Pà¤rt, que je connais et dont j’ai la partition. Je n’ai pas été déçu. Je n’ai pas non plus été déçu par la messe en ut de Mozart, que je n’aime pas beaucoup et qui me le rend bien. Cette pièce est hétéroclite et parfois peu inspirée (les longs "tunnels" d’écriture polyphonique peu originale à la fin).
Pour revenir à Pà¤rt, sa pièce a une écriture vraiment systématique. On applique un processus, jusqu’au bout. Seulement ce processus est très bien pensé pour générer des dissonnances et leur résolution.
Il y a tout de même un forte inattendu dans la partition, vers la fin. Je te le donne en mille, il est au seul moment de la pièce où¹ l’orchestre joue un accord parfait en position de quarte et sixte… Les vieux réflexes. Cette pièce a une force extraordinaire, qui découle en partie de sa simplicité.
Quant à Britten, ma foi, sa pièce est un peu brute à mon goût (surtout par rapport au reste de son œuvre), mais tout de même assez efficace.
Un concert élégiaque en somme ? ou plutôt "recueilli" … merci JLF pour ce beau compte rendu…on aimerait se rendre plus souvent salle Pleyel !
Arvo Pà¤rt, a été mis récemment à l’honneur ( en France, au bac musique 2004 – 2005) on discutait même de la problématique du temps dans son œuvre musicale :
trf.education.gouv.fr/pub…
Merci Seb (j’ai corrigé le lien)
J’espère ne froisser personne en vous proposant un autre lien pour le morceau de Arvo Pà¤rt :
C’est ici.