L’étudiant italien Emanuele Rimoldi nous raconte sa vie d’étudiant, pas toujours simple, au Conservatoire de Moscou. Intéressant, un peu naïf, ce témoignage respire l’authenticité. Pas sûr qu’on ait vraiment envie d’aller faire ses études de piano à Moscou après l’avoir lu, malgré la réputation de l’enseignement russe…
J’ai terminé le conservatoire en Italie et j’y ai fait la connaissance de la célèbre pianiste Elisso Virsaladze, qui m’a proposé de devenir son étudiant. Mais Virsaladze enseigne seulement à Munich et à Moscou. Après une année en Allemagne, j’ai décidé de déménager en Russie, car la vie culturelle y est plus intéressante, même si l’enseignement y est aussi plus cher, 6000 euros par an.
Je suis venu à Moscou pour cette enseignante, mais aussi bien sûr pour le conservatoire de Moscou, parce que, dans le monde de la musique, le conservatoire de Moscou, c’est comme Oxford
Que peut-il apporter à un étudiant étranger ? En premier lieu, son nom prestigieux. Tant de musiciens célèbres ont étudié ici. Dans d’autres pays, après la remise du diplôme d’étude de musique, il est beaucoup plus facile de commencer une carrière de soliste. C’est pour cela que beaucoup de ceux qui ont achevé leurs études au conservatoire de Moscou vont ensuite en Europe.
Au conservatoire, le système d’enseignement est très sévère. Mais cette sévérité est superflue, les musiciens ne pensent pas suffisamment librement, c’est pour cette raison que les pianistes russes, qui sont les meilleurs au monde, ont une préparation technique brillante. Les Italiens, au contraire, disposent d’une trop grande liberté dans le jeu. Il me semble que les systèmes italiens et russes pourraient apprendre l’un de l’autre, et ça serait un mélange idéal.
Le conservatoire au jour le jour
Je suis à Moscou depuis quatre ans. Lorsque je suis arrivé, j’ai pris des cours de russe. Mais, pour moi, il était beaucoup plus intéressant d’étudier le russe en fréquentant des théâtres, des cinémas et en me faisant des amis qu’en classe.
Je vis dans une résidence universitaire et je ne m’en plains pas trop. Au début, la chambre m’a paru vraiment petite. Le plus horrible, c’est que dans la classe de répétition, des rats courent derrière les fenêtres. Un pianiste japonais a voulu ouvrir la fenêtre, mais un rat a sauté par la fenêtre et lui a mordu le pied. Il a dû prendre des médicaments pendant un an.
Je suis beaucoup tombé malade en Russie, pas seulement à cause du temps froid. L’année dernière, dans la résidence, nous avons tous eu la roséole. Les infections se répandent très vite, parce que la résidence abrite beaucoup de monde, qui répète toujours dans la même salle.
Dans les pas de plus grands
Dans le conservatoire, il y a deux décanats : un pour les étudiants russes et un pour les étrangers. Le décanat étranger m’a beaucoup surpris au début : personne ne parlait anglais. Lors de ma première année d’étude, j’ai eu avec eux de nombreux problèmes. Ils ne voulaient pas reconnaître mon diplôme. Mais maintenant, toutes ces incompréhensions sont derrière moi. Dans le décanat russe, les gens sont plus sympathiques.
Mais, il y a beaucoup d’autres choses qui me plaisent. Par exemple, les classes dans le conservatoire où j’étudie. Dans chaque pièce sont accrochées aux murs des photographies de gens célèbres qui ont étudié ou enseigné dans la même classe. Dans ma classe, il y avait la professeur Virsaladze, le célèbre Henrich Neuhaus qui a enseigné à Richter et à Gilels. Et quand tu vois cette photographie de Neuhaus, tu comprends que tu te trouves dans la meilleure école du monde.
Si l’on veut s’organiser un petit concert, cela peut rapidement se faire la salle de concert de l’école. En Russie, malheureusement, personne ne te paiera pour cela. En réalité, c’est juste des concerts d’étudiants. En Italie, on connaissait déjà mon nom, de sorte que l’on me proposait une rémunération pour des concerts, autour de 700 euros.
La vie à Moscou est trop chère
Moscou est une ville très chère, je ne comprends pas comment on peut vivre ici. On dit que la ville dans laquelle je suis né, Milan, est trop chère, mais ce n’est pas vrai. Ici, tout est deux fois plus cher. A Milan, on peut manger au restaurant pour 10 euros. Mais ici, avec dix euros, on peut manger au fast-food Mou-mou.
J’aime beaucoup les vieux monastères orthodoxes à Moscou. J’aime aussi la vie culturelle russe, les théâtres, les expositions. Et ici, on peut rencontrer beaucoup de personnes instruites et cultivées.
En Russie, il y a peu de gens qui se saluent. Très souvent au cours des dernières années, j’ai salué des gens que je connais de visage, mais ça fait seulement un an qu’ils ont commencé à me répondre. En Europe, le simple fait d’étudier dans la même université est déjà suffisant pour se saluer. Et pourtant, en Russie, je me suis fait des amis très proches.
On me demande si je vais souvent aux cafés italiens à Moscou. Mais lesquels sont vraiment italiens ? Par exemple, Il Patio (réseau des cafés en Russie, ndlr) appartient à Rostik’s KFC. En dehors de l’Italie, il est peu probable de trouver des plats que l’on peut comparer à la vraie italienne. A Moscou, il y a des endroits où la nourriture italienne est très bonne, mais c’est vraiment très cher. Comment peut-on payer autant pour une pizza ?
Texte original (en russe) publié sur le site de Moskovskie Novosti