Benoit Hopquin a quitté Sucy-en-Brie

Benoit Hopquin a publié dans Le Monde pendant un an toute une série d’articles relatant la vie de tous les jours des Sucyciens (?)
Comme Sucy-en-Brie est une ville de la banlieue parisienne que je connais bien, j’ai pu apprécié en toute connaissance de cause la qualité des articles ainsi publiés; et comme Daniel Schneidermann sur son site arret sur image a pointé ces articles pour en faire une excellente critique (avec tous les liens utiles), je ne résiste pas à la tentation d’en faire ici un copié/collé (merci à tous deux!).

Un journaliste à vélo

Attention, voici l’attaque d’article la moins incitative de toute l’histoire cette chronique matinale: Benoit Hopquin a quitté Sucy-en-Brie. Qui est Benoit Hopquin ? Un journaliste du Monde. Et que se passait-il à Sucy-en-Brie ? Rien. Qu’allait donc faire un journaliste du Monde dans une petite ville de la grande banlieue parisienne où il ne se passe rien ? Capter ce rien, justement. Tournant le dos aux paroxysmes qui aimantent habituellement micros, stylos et caméras (lesquels n’aiment rien d’autre que le très haut et le tout en bas, salauds suprêmes, victimes pitoyables, exultations stupides, souffrances insupportables, utopies niaises, pessimisme chronique), il a tenté de saisir, dans leurs pavillons et leurs hypermarchés, les introuvables « classes moyennes », la France du ni-ni (ni à plaindre, ni à envier). Et pourquoi part-il ? Sa mission, après un an de reportage sur place, est-elle accomplie ? A-t-il réussi à capturer le rien, à l’enfermer dans sa gibecière ? Même pas. Enfin, pas tout à fait. Il le reconnait d’ailleurs lui-même.

Le reporter est trop modeste. En un an, il aura tout de même capturé des bribes, des éclats de réalité. L’enfer des transports, par exemple, auquel il a consacré moult notes, et encore une bonne partie de son testament d’aujourd’hui. « Je savais le sujet important au quotidien dans cette Grande couronne, ce bout de la ligne. Je ne me doutais pas qu’il recelait parfois de la souffrance (…) Comment ne pas se sentir un peu stupide, quand on est debout, entassé dans un RER bloqué au milieu d’un tunnel, accroché à une barre, sans savoir pour combien de temps ? (…) Deux, trois, voire quatre heures de « voyage » domicile-travail-domicile est une usure physique et morale. Dans le débat politique sur la productivité française, on ne peut (…) oublier cette partie de la France qui part de la maison avant sept heures et n’y revient qu’après 19 heures, en ne faisant officiellement que trente-cinq heures par semaine ».

L’expérience Hopquin, dont le plus étonnant est finalement qu’elle soit si rare, rappelle une chose. Un article, ce n’est pas seulement la résultante de la subjectivité d’un journaliste et des conditions économiques de la production de son média. Un article résulte aussi de ce que mange, boit, son auteur. Et de la manière dont il se transporte. On n’écrit pas la même chose, selon que l’on se déplace en métro aux heures creuses, en voiture, en TGV, en RER, en bus de presse, en wagon spécial affrété par les communicants, ou bien à pied ou à vélo. Plutôt que de s’abimer la vue, de tout en haut, sur des statistiques obscures, des discours de coton, et des fourmis indéchiffrables, peut-être peut-on, de temps en temps, à hauteur de piéton ou de cycliste, (comme ici, ou , par exemple) tenter de redécouvrir quelques certitudes de la terre ferme.


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