Fréderic Jacqmin se voit décerner le 1er prix de Composition de l’association MusiComposer à l’unanimité du jury pour sa pièce Abîmes 21(anciennement dénommée « CHAOs 2001 »).
Rappelons que le jury était composé de Josée April, Henri Demarquette, Valérie Guillorit, Florentine Mulsant, Tilda REINITZ, des membres de l’association MusiComposer et Compositeurs Associés: Emilie Aulange, Jean-Louis Foucart, Richard Long, Jean-Armand Moroni, Jean-Pierre Nouvel, Vincent Poulain, Yves Rinaldi, John Sernee, et des adhérents de l’association qui ont fait l’effort de voter (qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés!)
Toutes nos félicitations vont à l’heureux lauréat, que nous aurons l’occasion d’interviewer dans un prochain billet sur ce blog.
Les deux mouvements de Abîmes 21 peuvent être écoutés en cliquant sur ces liens : IN et OUT. Et les partitions sont également téléchargeables (IN OUT).
Rappelons que la pièce sera interprétée en concert public le samedi 20 février 2010, 19H00 à l’auditorium de la Cité Internationale des Art à Paris par Darina Maleeva, violoniste et Xavier de la Bretonnerie, pianiste.
L’ensemble des pièces proposées au concours peuvent être écoutés ICI, ainsi que dans un espace membres Musique de chambre des adhérents du site MusiComposer.fr
Voici quelques uns des commentaires de vote qui nous ont été envoyés par les jurés et adhérents.
Abîmes 21
J’ai trouvé cette œuvre prenante et très belle de la première note à l’extinction du piano au bout de la seconde partie. Le partenariat violon/piano est très équilibré. Les évolutions thématique et rythmique sont d’une cohérence et d’une rigueur parfaites. Un grand professionnalisme, sans nul doute. Pour moi, et face à l’ensemble de ses talentueux concurrents, cette œuvre s’impose tout de même. C’est la plus originale, mais sans esprit de système, tout en s’inscrivant dans une forme d’écriture rigoureuse. J’ai pourtant beaucoup appréciés ceux que je place, avec grande hésitation, en seconde et troisième places.
La construction de cette pièce représente très bien le chaos de 2001. Belles harmonie, mélodies et modulations.
Pièce prenante, qui parle directement. Des rythmes subtilement bancals. Sonne comme une sorte de tango déglingué qu’on danserait dans un bar de fin du monde.
Je préfère Abîmes 21 « in » à « out ». Je lui donne la première place, bien que je n’aime pas la musique atonale. Et le commentaire de Jean-Armand me laisse perplexe : « c’est suffisamment simple harmoniquement et rythmiquement pour être compris dès la première écoute ». Bon, je dois manquer terriblement de culture musicale contemporaine : je l’ai écouté cinq fois, et dix minutes après chaque écoute je ne m’en souviens plus. Mais dès l’écoute suivante, je suis conscient que c’est un morceau de qualité professionnelle, tout comme la partition. Vous l’avez compris, c’est ma tête qui vote ici.
C’est « Abîmes 21 » …qui l’emporte. C’est original, c’est captivant, c’est agréable à écouter, et c’est tellement complet. Frédéric est allé bien au-delà du simple cahier des charges.
Une œuvre forte dans laquelle le compositeur s’investit totalement, le style très personnel est réellement contemporain, il n’use que de procédés simples. On apprécie la clarté de l’écriture, sa rigueur, et le langage direct qui en découle, qui nous émeut d’autant plus. Alors qu’il est fortement pensé, et soigneusement écrit, Abîmes 21s’entend aussi comme un cri du cœur. Une pièce puissante qui semble destinée à une transcription orchestrale.
Abimes 21: pièce bien construite mais un peu chargée à mon goût, surtout la partie de piano où interprète va devoir » tricher » pour que l’on entende tout !
Dans Abimes 21 In, au piano, la mélodie « sol-fa-ré-do » au soprano rappelle le son des cloches du destin, cloches qui suggèrent un moment transitoire de la vie. La mélodie ascendante au violon évoque par son utilisation du ½ ton (sol-lab) et du triton (lab-ré) un sentiment de souffrance, d’espoir par le fait qu’elle est ascendante et de lumière par l’intervalle juste créé par do-fa. L’utilisation générale du triton, du ½ ton, des changements de direction créés par les octaves contribuent à ce chaos. La pédale et le peu de mouvement à la basse suggèrent le peu d’options de mouvements qui s’offraient aux victimes du World Trade Center. Par la justesse du choix de la mélodie, de l’harmonie et du mouvement rythmique, cette œuvre nous permet d’entrevoir émotivement en sons un moment d’histoire.
Dans Abimes 21 Out, c’est la course, l’affolement, les désarrois, l’incrédulité. L’utilisation des intervalles augmentés, du triton, du demi-ton soutiennent le langage de Abimes 21. Il y a à la fin ce moment où le regard et l’esprit sont abasourdis devant l’évènement : au son à la basse : tierce majeure, en réalité : quarte diminuée.
Ce ne sont que des mots, merci à la musique d’aller beaucoup plus loin!
Une écriture bien structurée, pleine des bonnes idées musicales avec un langage personnel permettant une belle interprétation par des solistes.
Très bonne utilisation des deux instruments permettant un bon dialogue entre piano et le violon dans un « cadre classique »
Sans conteste, à mon sens, la meilleure pièce parmi celles proposées pour la vivacité du propos, la haute tenue expressive et la qualité de l’écriture instrumentale (du violon, en particulier), et la qualité du dialogue instauré, varié et dynamique, qui contribue à propulser et relancer le discours. Une belle rigueur et clarté de l’écriture (notamment par le travail sur des motifs thématiques aisément identifiables) et un langage moderne mais accessible, assez personnel.
Une étrangeté : la dernière section du 2e mouvement (Out) est annotée « comme une renaissance », alors qu’on associerait plus volontiers ce beau chant lancinant à une marche funèbre, malgré l’accord final plein d’espoir (et d’ailleurs un peu trop ouvert pour conclure, peut-être ?).
Perpetuum Mobile
Pièce rageuse, forcenée, malgré quelques arrêts d’ailleurs bienvenus.
J’en aime beaucoup le rythme, le côté fluide, et la façon dont c’est conduit, avec cette alternance de moments à couper le souffle et de relâchements.
Franchise et énergie caractérisent cette pièce, qui répond en tous points aux promesses d’un titre exigeant : Perpetuum mobile. Une pièce de notre temps, illustrant une course éperdue et obstinée. Bonne utilisation des registres instrumentaux respectifs ( violon, piano)
J’aime bien l’énergie mais c’est assez maladroit pour le piano et pauvre pour le violon. Tenir le tempo ne sera pas chose simple !
Grande et belle toccata, très bien écrite pour violon et piano. Cette œuvre donne une impression de grand mouvement intérieur. Au Québec on dirait : Ça brasse en dedans! Le tout est bien connecté et bien centré sur une basse qui bouge peu. A la basse, principalement, pédale de do, sol, sib….(si on considère sol comme dominante, elle est soutenue par b6 et dièse 4 à l’occasion pour intensifier son rôle). La richesse d’intensité est exprimée par des intervalles dissonants tels : triton, 7e, 9e, mouvements chromatiques (1/2 tons); intervalles de 5te augmentée, 4te diminuée (accord augmenté). Au milieu du Perpetuum Mobile, un changement d’expression à l’apparence calme par un intervalle de 4te juste et de 5te juste, tierce augmentée et oups…triton. Sur la pédale de Sib, ces intervalles prennent une autre signification.
C’est une œuvre magnifique qui me procurera toujours un grand plaisir à écouter.
Divertissement
Le compositeur joue et domine son sujet d’une façon particulièrement habile. Piano et violon sont de vrais partenaires, tout à la fois indépendants et indissociables. Un écrivain a dit que les silences de Mozart étaient toujours du Mozart. Syncopes et quarts de soupirs de « Divertissement » sont toujours du Duhamel, c’est certain. Cette écriture nerveuse et toujours maîtrisée (pensez à cette apparition « évidente » d’un tango) me fait un peu penser à celle de Richard Galliano. J’ignore si l’auteur apprécierait le parallèle ; pour moi, c’est un beau compliment.
C’est apaisant, c’est bien construit. On dirait que ça tombe sous le sens, à l’écoute.
…c’est également agréable à lire.
Une œuvre solidement et soigneusement écrite avec sensibilité et un humour discret. L’œuvre d’écriture contemporaine reflète aussi un certain classicisme par sa rigueur, sa clarté, son lyrisme contenu.
Bonne pièce de musique mais reste trop similaire, peu d’évolution
Il y a de belles choses mais ça manque un peu de développement. Certaines formules rythmiques me semblent un peu floues dans interprétation. Et puis j’aurais écrit à 2/2 pour plus de lisibilité !
Quelques bonnes idées mais sans trop d’intensité.
Reste violonistique mais moins bonne présentation
Eté Indien
Pour quelqu’un qui exigerait à tout prix l’extrême modernisme à la mode, cette œuvre ne justifierait peut-être pas cette place. Mais quelle erreur ce serait de mésestimer cette grande maîtrise d’expressivité musicale L’auteur installe tout de suite cette œuvre rêveuse et très douce : elle s’impose justement pas sa simplicité et sa beauté. Belle écriture et rythmique subtile qui permettent à cette musique de paresser, de s’attarder en chemin, de serpenter. Recherche harmonique très nuancée. On « entend » les couleurs qui s’en dégagent. Perception visuelle forte ; j’ai du mal à m’en abstraire pour écouter tout le reste ; je finis pourtant par m’abandonner à ce plaisir. Il est une œuvre (pour voix et piano) tout aussi prégnante à mes oreilles, pour son mouvement continu, calme et serein (« le cygne » de … Maurice Ravel). J’ai beaucoup aimé l’harmonie des doubles cordes (vers 1.55).
Un très beau début, plusieurs autres passages très réussis. L’ensemble contient beaucoup de références, qui brouillent l’écoute.
2e : Francois-Xavier Thoorens – Eté indien
Ingénieuse et évocatrice, une synthèse personnalisée de diverses influences. Un bien bel été indien…
Mon coeur va à Eté Indien,
Il y a un mauvais équilibre entre le violon et le piano, et des emprunts trop marqués aux compositeurs de la musique française du début XXème. Mais sa mélodie me transporte….
Aisance de l’écriture et sensibilité…Beaucoup de talent et aussi de références au passé. Une certaine auto bienveillance de la musique qui s’écoute jouer parfois, on reste toutefois en dehors du morceau.
Beau nocturne, au rythme boiteux attachant, fort bien écrit pour le duo, même si le piano se fait surtout ici accompagnateur ondoyant, davantage que véritable partenaire au sens plein (mais est-ce un mal en soi ?). La couleur « fin de siècle » est parfois un peu trop soulignée (notamment dans le matériau thématique), en particulier à travers quelques tournures comme à la fin de la première partie, p. 9 – peu avant la 3e minute – et la coda) ; mais là encore, cela n’empêche pas la qualité d’ensemble et la cohérence du discours.
Moins bonne maîtrise de l’écriture pour violon mais la pièce reste violonistique
Le Rêve de Sapparys
Pièce bien écrite et qui suit les indications textuelles écrites tout au long de la partition.
Une pièce distrayante et flamboyante, qui ne déçoit que par sa légère superficialité, et son manque d’unité. On notera la sensibilité d’un troubadour du XXIe s., la facilité d’écriture et la virtuosité du jongleur, un sens mélodique, certain …reste à digérer les styles d’école, pour s’exprimer pleinement.
Très belle recherche harmonique portant le regard de l’âme vers des couleurs sonores dévoilant la tendresse, la générosité et une richesse extatique. Œuvre très bien écrite exploitant les points forts spécifiques aux instruments utilisés : Violon, beauté de la ligne mélodique; piano, richesse libérée par les rencontres harmoniques.
Maîtrise formelle et technique réellement impeccable. Mais le côté patchwork (l’attention se perd un peu malgré les retours thématiques) me fait opter pour la 3e place, avec regret, mais résolument. Là encore, l’impressionnisme n’est pas loin (et Saint-Saëns lui-même semble rôder dans les parages).
E. Champollion a fait mieux encore, par ailleurs, dans ses mélodies si prenantes.
Le rêve de Sapparys : la pièce la plus violonistique et bien présentée
Gomme Arabique
Un thème simple, une maitrise de l’ensemble, des subtilités harmoniques intéressantes.
Une pièce rythmiquement très originale.
Une œuvre souriante et originale que l’on a plaisir à ré- écouter, L’exploitation recherchée des instruments et l’humour ajoutent au charme de la pièce.
Luvapidon
Modulations bien amenées, belles mélodie et variations.
Une œuvre bien structurée et écrite avec minutie. Le style reste trop convenu, et fait relâcher l’attention il ne manquerait qu’un peu d’audace et quelques développements pour « embarquer » définitivement l’auditoire.
FIN des commentaires
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Bravo d’avoir remporté le concours, votre succès est parfaitement mérité. Je pense que l’essentiel a été dit sur les mérites de « Chaos 2001 » et je m’associe aux compliments déjà exprimés. Personnellement, j’ai une préférence pour « Chaos In », mais les deux mouvements sont de facture très unitaire et très réussis.
En écoutant cette pièce, tout comme votre « concerto pour hautbois – harpe et cordes » j’ai une perception générale de votre style personnel, tout au moins tel qu’il découle de l’écoute de ces deux pièces : vous excellez dans l’élaboration d’une ambiance musicale, sensation pesante et inexorable d’enfermement dans « chaos », plaisante par ses mélanges de timbres dans le « concerto ». Ce qui me frappe, et ce n’est pas une critique, c’est le côté statique de cette ambiance unitaire. Il est parfaitement concevable qu’une pièce musicale soit évocatrice d’une ambiance dans laquelle on reste plongé, c’est une forme comme une autre. Cependant, je me demande, vu vos qualités de compositeur, si vous ne devriez pas explorer le « couple » tension –détente qui est essentiel aussi bien en musique classique que dans la variété. L’alternance « tension-détente » est une caractéristique essentielle de la vie et la musique, art se déroulant dans le temps, est particulièrement apte à développer cet aspect. La majorité des œuvres du passé en est le témoin.
Cela dit, ce n’est qu’une expression découlant de ma perception personnelle de votre musique ; d’autres la ressentiront peut-être différemment
bonjour à tous les candidats et à tous les adhérents.
J’ai écouté et regardé toutes les pièces du concours, comme tous les autres candidats je pense.
d’ailleurs il faut quand même remercier Musicomposer de pouvoir le faire. Cela reste ouvert, chacun est à même de se faire sa propre impression sur les œuvres des autres et croyez moi ça vaut de l’or. Dans les autres concours, on vous envoie une belle lettre vous disant : "vous n’êtes pas sélectionné" et c’est tout. pourquoi? qu’est-ce qui ne va pas . qu’est-ce qui était bien ? ai-je au moins deux mesures de bonnes ? Tant de questions que je me suis déjà posées, et toujours sans réponse, je dis ce que je pense, point. Quant aux œuvres concurrentes vous ne savez rien et ne saurez d’ailleurs rien puisque vous n’êtes pas sélectionnés.
De chaque pièce que j’ai écoutée, j’ai senti, l’envie, la passion et pourquoi pas l’Am… de la musique. C’est un art si difficile ou chaque œuvre musicale en gestation, en naissance, est une forme d’accouchement. Il me semble que pour avoir travaillé et côtoyer beaucoup de compositeurs émérites et reconnus, le schéma reste le même, on a beau avoir écrit dernièrement une belle œuvre ( à ce moment, chacun considère que c’est la plus belle œuvre du monde)… la suivante nous pose encore plus de questions, plus de doutes…La fébrilité nous envahit, avec la peur indicible de ne plus avoir d’idée, et aussi celle de ne plus avoir de plaisir, au fond.
Je m’associe donc au désarroi et à la déception de certains candidats, pour l’avoir déjà vécu.
A vous tous : je vous adresse mes félicitations pour le travail que vous avez fourni pour ce concours, et tous les encouragements pour la suite et les autres concours que vous passerez.
Pour clore un débat qui me parait un peu houleux… : nous faisons tous de la musique, à notre manière, à notre niveau, n’est-ce pas là la plus belle des choses ?? Et que diable, on n’est pas en guerre que je sache ??
Ensuite merci aux personnes qui ont aimé cette pièce et même ceux qui l’ont critiquée. Seules, l’ignorance et l’impassibilité restent éprouvantes pour ce difficile artisanat.
Frédéric
Encore sincèrement : bravo à tous les candidats que j’espère rencontrer au concert du 20 février 2010, partager est la meilleures des choses.
La suite dans l’interview.