Oh Mireille, même à Garnier, tu ne vieillis pas !

Oh Mireille ! Je t’ai vue l’autre soir, en direct. Tu ne vieillis pas ! Tu es telle que mon arrière grand père t’a vue, (à  vérifier, quand même) lors de la première en 1863 ! Quel plaisir de chanter ces airs célèbres (Oh Magali, ma bien-aimée-heu).

C’est l’avantage d’être chez soi, devant la télé; on braille à  souhait, en toute bienséance… Il est vrai qu’à  Garnier, ils ont braillé aussi mais pour d’autres raisons…

Monsieur Joel, le Directeur de Garnier et metteur en scêne t’a ressuscité dans les même décors qu’en 1863. Quelle chance nous a offert là  ce talentueux metteur en scène !
Tu étais cucul-la-praline à  souhait ont dit, en gros, tous les critiques, notamment celui du Monde (voir photo ci-dessus), ainsi que ceux qui braillaient dans la salle. Tous des méchants ! Ils n’ont vu que poussière et premier degré là  où Monsieur Joël voulait nous faire retrouver la naïveté attendrissante et le bucolisme de ton compositeur, Charles Gounod, dans le respect strict de la musique et du livret. Il est vrai qu’au lieu de disposer un escalier pour te faire gravir en rampant les degrés qui te mènent, mourante, vers le ciel, M. Joël aurait pu installer un ascenseur. C’est moins fatigant.
Ou bien te faire transporter sur les solides épaules du gardian Ourias, incarné par l’excellent Franck Ferrari. Mais d’abord, Monsieur Gounod n’a pas inventé l’ascenseur, et par ailleurs il fait mourir Ourias avant toi, notre héroïne. Ils ne se rendent pas compte, ces critiques… Bon, je vais voir Wozzeck, de Berg, le 23 à  l’Opéra Bastille. Je suis sûr que mon arrière Grand Pêre ne l’a pas vu, cette fois. Aucune comparaison possible !

8 réflexions sur « Oh Mireille, même à Garnier, tu ne vieillis pas ! »

  1. Je suis de ton avis Jean-Armand, La lettre du musicien est un excellent journal,
    et je regrette la disparition du "Monde de la Musique" avec ses articles de fond, sa superbe mise en page et le sérieux de cette revue…
    ainsi va le monde comme dit l’autre…

  2. Je n’ai pas vu l’opéra, mais comme je me suis plusieurs fois em…bêté aux mises en scènes "Berlin-Est" de Bastille, je vous transcris les réactions de "Classica" et "La lettre du musicien".

    Alain Duault, dans Classica de novembre, parle de "l’exercice organisé de la rumeur qui impose sournoisement un style de pensée, fut-il à  rebours de ce qu’éprouve le public". Et de citer Mireille : "Et quand Nicolas Joel a choisi d’afficher Mireille, le chef-d’œuvre de Gounod, les mêmes ont commencé d’insinuer que c’était un ouvrage inutile, ont entretenu une rumeur défavorable à  son égard, ont même fait la moue devant le magnifique décor d’Ezio Frigerio (…). C’était encore une fois ‘la province à  Paris’ ! C’est vrai qu’il n’y avait pas de lavabo et de bidet sur scène, qu’on y voyait ce qu’on entendait, que le beau était préféré au laid… Un journal du soir qui entretient un terrorisme intellectuel en s’érigeant en parangon du bon goût moderne a condamné le spectacle – et d’aucuns qui avaient passé une bonne soirée n’ont plus osé le dire."

    La Lettre du musicien n° 377 (octobre) parle de Mireille deux fois, d’abord dans le courrier des lecteurs : "La télévision nous a programmé un très beau spectacle d’opéra (…). Il s’agissait de Mireille de notre grand Charles Gounod, avec une distribution de premier ordre, une mise en scène poétique et sobre, des décors et des éclairages superbes." Puis la lectrice se plaint de ce qu’un quotidien (le même que celui lu par Alain Duault ?) a dit que France 3 avait fait, avec cet opéra, la plus mauvaise audience de l’année. Que si on jugeait seulement à  l’audience, etc.

    L’article de Philippe Thanh est quant à  lui presque entièrement dédié à  Mireille : "Pour son premier spectacle à  l’ouverture de l’Opéra de Paris au palais Garnier, Nicolas Joel a osé la plus grande provocation de ces dernières années, en enfreignant tous les tabous !
    Ainsi a-t-il choisi :
    – un opéra français (!)…
    – de Gounod (!)…
    – et ‘régional (!), avec Mireille, opéra provençal, d’après le poème de Mistral (farandole ! pélerinage aux Saintes !!).
    En outre :
    – sa mise en scène suit totalement le texte et l’esprit de l’œuvre, avec de sobres décors d’Ezio Frigero (très belle scène solaire du dernier tableau) et des costumes ‘d’époque’ épurés.
    – quant aux chanteurs, ils forment une distribution homogène à  la diction parfaitement compréhensible.
    Il est vrai qu’après des années d’éducation politique à  l’Opéra de Paris, le premier lever de rideau crée un choc. Que voyons-nous ? Un champ de blé, un ciel bleu, des paysannes avec leurs paniers et des feuillages dans les bras ("Chantez, chantez, magnanarelles, car la cueillette aime les chants…"). Nous sommes effarés. Mais où¹ sont passées les Kalachnikov ? Il n’y a donc pas d’HLM délabrées à  Arles ?
    Bref, Nicolas Joel nous présente un opéra d’époque, dans le style de l’époque, comme l’ont vu et aimé nos grands-parents. (…)
    Le public de la première, réputé difficile, a beaucoup applaudi. Les quelques huées auront en tout cas réconforté Gérard Mortier : il n’a donc pas totalement échoué dans sa mission d’éducation des élites parisiennes !"

    J’en profite pour vous conseiller de vous abonner à  la Lettre du musicien – pas à  Classica, qui ne vaut pas tripette.

  3. Merci Yves pour ton riche commentaire, je ne savais pas que Maria Callas considérait le rôle titre de cet opéra comme "le plus difficile des sopranes",
    l’avis de cette immense diva (et grande tragédienne ) est éclairant et pour nous de grande importance.

    Je crois effectivement qu’il y a eu contresens, ou même "nonsense" dans ce qu’on comprend généralement de cette provence là  ( une provence d’opérette ?)…" et du coup de toute la pièce… Comme tu le dis si bien, ce soleil provençal a sans doute occulté le drame social sous-jacent. "
    Un drame social, et drame musical… tout court .

    Le fait que certaines œuvres d’art puissent se laisser enfermer dans des clichés passéistes reste un mystère… N’est ce pas le propre des chef-d’œuvres
    que de traverser les siècles sans prendre ni ride ni "couleur du temps" ?

    Il est vrai que le poème de Mistral, semble daté, tout comme la plupart des poèmes mis en musique ( et donc définitivement sauvés !) par les grands mélodistes du XIX e s et du début XX e s…
    Bien des fois les œuvres dites surannées, ne le sont que du fait d’une ré-interprétation décalée.

  4. Effectivement, tu as raison Emilie (comme toujours !). Mireille a besoin d’une mise en scène intimiste qui éviterait les écueils du folklorisme et d’un passéisme que la production actuelle n’a pas su éviter. Le poème en langue provençale de Mistral doit être très beau mais il est également daté. La musique de Gounod, sans doute pas la plus tapageuse de son auteur, a très bien su rendre les fluctuations des passions animant les protagonistes de ce drame amoureux en filigrane duquel il fut envisager également une critique sociale : celle du mariage d’amour impossible pour cause de mésalliance. Un thème souvent exploité au théà¢tre, en littérature et sur les scènes lyriques du XIXe siècle en un temps où¹ il constituait un vrai problème social et culturel. "Mireille"en donne un écho méridional (c’était déjà  en vogue sous Napoléon III) mais ce soleil provençal a sans doute occulté le drame social sous-jacent. Quand on y regarde d’un peu plus près, pas mal d’opéras de cette seconde moitié du XIXe siècle se situent dans cette perspective critique, à  savoir : la dénonciation de la rigidit d’une société souvent arqueboutée sur des principes moraux étriqués (Traviatta, Lakmé, Bohème, etc.). Notre nouveau directeur des opéras de Paris aurait peut-être du y songer avant des s’atteler à  scénographier cette œuvre dont Maria Callas affirmait que le rôle titre était le plus difficile du répertoire des sopranes.
    Yves Rinaldi

  5. Certes, la mise en scène laisse songeur, mais la musique ? Celle de Charles Gounod est unique en son genre , je la trouve belle
    « so french »
    Quant à  Mireille, (arlésienne et donc méridionale ) il est vrai que la voir mourir d’une insolation c’est peu crédibleSa traversée du désert doit avoir une symbolique cachée
    On aurait souhaité une mise en scène dramatique ( peut-être à  la Claudel ? cf. son « partage de midi » où¹ l’intensité du drame ne faiblit pas sous le soleil aveuglant. )
    Je me demande si l’opéra de Gounod "Mireille" n’étouffe pas dans un cadre trop étroit( forme musicale, scénario, parti pris dans une interprétation scénique naà¯ve, ici très « premier degré » ) Une tragédie musicale appelle peut-être plus de démesure, ou à  l’inverse un total dépouillement .
    L’opéra puise déjà  dans un poème, qui deviendra livret d’opérade toutes ces métamorphoses, il est difficile d’en tirer une œuvre lisse, et surtout "justement" dramatique

    On peut en écouter un ( bel) extrait là  : (sur culture box)
    culturebox.france3.fr/all…

    et là  (site opéra Garnier) : http://www.operadeparis.fr/cns11...

    On peut écouter aussi Marc Minkowski nous parler du compositeur : ( quelle belle voix, il devrait enregistrer des contes musicaux …aussi )
    http://www.operadeparis.fr/cns11...

    Un site intéressant sur Charles Gounod : http://www.charles-gounod.com/oe...

  6. A lire les commentaires, il me semble que le choix du metteur en scene est judicieux. Je ne connais pas la critique de l’epoque, mais ca met de facon troublante en perpspective les gouts de l’epoque. Rien que pour ca ca doit valoir le detour et susciter pas mal d’interrogations…

  7. Déjà , pour se taper une insolation mortelle en ayant traversé 300 mètres de dunes, il ne faut pas être bien maligne, mais de surcroù®t, au lieu de se jeter sur le bénitier pour se réhydrater, cette pauvre gourdasse de Mireille se met à  pousser des vocalises pendant 3/4 d’heures à  la porte de l’église, en plein cagnard, pour enfin escalader un escalier façon Potemkine et rendre l’à¢me au pied d’une colonne qui faisait un tantinet calvaire breton inachevé. Etonnez-vous, après tout cet étalage de mauvaise volonté que le fiancé n’ait pas eu envie de verser une seule larme. Elle l’a bien cherché !

  8. Le metteur en scène est excusable : Mireille est un opéra suffisamment cucul-la-praline en soi.

    Wozzeck : je l’ai vu l’an dernier. La mise en scène est pas mal… mais une mise en scène au 1er degré aurait été encore plus efficace à  mon avis. C’est un opéra terriblement sordide et brutal, presque sans équivalent. La mise en scène de Marthaler arrondit les angles, c’est un peu dommage.

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