Tenir tout un opéra sur la nouvelle « Le rosier de madame Husson » de Maupassant est un tour de force, assez bien réussi par Britten. Bien sûr, l’histoire de ce jeune homme trop sage qui va décevoir le conformisme bêlant de son entourage est proche des intrigues d’autres opéras de Britten, Billy Budd en particulier. Britten « améliore » le personnage central qui, dans la nouvelle de Maupassant, se révèle simplement un irrécupérable poivrot. Je vous encourage à relire cette nouvelle: on y remarque l’art de la digression, où comment Maupassant, sur une nouvelle courte, arrive à passer la moitié des pages à autre chose qu’à raconter son histoire. La mise en scène est particulièrement remarquable. Elle rend l’action vraiment lisible, elle ne tombe pas dans la provocation ni le décalage ridicule. Ajoutons que les costumes sont, dans leur simplicité et banalité, très adaptés à l’opéra. On reconnaît le caractère de chaque personnage à sa façon de s’habiller;: le vicaire, le maire, l’institutrice… Seule petite faiblesse (à mon goût): en laissant Albert Herring visible pendant que les autres le cherchent, à la fin de l’opéra, la mise en scène annonce trop vite la chute et casse le dramatisme de la situation. On est ici plus dans la comédie de mœurs que dans la tragédie, de sorte que l’effet est plus faible que celui de Peter Grimes, le Viol de Lucrèce, Billy Budd ou le Tour d’écrou.
Comme d’habitude chez Britten, la musique n’est pas intrusive, elle illustre bien l’action mais sait se faire oublier. Ici, elle prend un tour franchement ironique par moments, en particulier durant l’acte I chez Lady Billows. Durant cet acte, des vidéos tournées par des élèves d’un BTS audiovisuel s’intégraient parfaitement à l’action, illustrant tous les vices (vrais ou supposés) que la gouvernante a trouvés chez les jeunes personnes proposées au titre de Reine de Mai.
C’est Laurence Equilbey qui dirigeait, prouvant que son talent déborde du cadre de chef de choeur auquel on l’associe.
Yves Rinaldi