Est-ce l’année Haendel ou l’année Dusapin ?
La question se pose à la lecture de ces deux interviews de Dusapin dans le journal « Le Monde » à un mois d’intervalle (le 27 mars et 26 avril).
Si ce n’est pas l’année Dusapin, c’est au moins le trimestre, avec ces six concerts que la Cité de la musique lui ont consacré entre le 27 mars et le 11 avril.
Ces interviews très « people » font-ils venir les mélomanes ou les curieux à ces concerts? Réconcilient-ils les mélomanes avec la musique contemporaine?
La question n’est pas là. La question, c’est… Il faut bien vivre ! C’est ce que nous répond implicitement Dusapin.
Qu’on en juge au titre de son premier interview : » Je vis de mon travail ? On ne se pose pas la question pour un chef d’orchestre« .
L’interviewer le présente ainsi :
« Lunettes métal et cheveux longs, Pascal Dusapin, 53 ans, est sur les murs du métro parisien. Ce Lorrain de 1,95 m est le compositeur vivant de musique contemporaine, dont on dit qu’il est le plus connu et le plus joué en France et à l’étranger après Henri Dutilleux ».
Remarquons primo que personne n’a vu Dutilleux sur les murs du métro parisien et, deuxio, que l’on a échappé à la formule rituelle « grand compositeur (1,95m) »…
Dusapin se présente lui-même ensuite, comme une sorte de Diogène de la musique. Diogène ou… Bernard Tapie? Jugez-en plutôt :
» Etes-vous autodidacte ?
J’ai été précepteur, professeur de piano, postier, j’ai travaillé chez un diamantaire… avant de devenir compositeur à 18 ans. Dans une grande solitude et une immense exaltation. J’avais l’impression d’avoir un flingue sur la tempe. Je suivais des cours d’arts plastiques, d’architecture et un cursus de musicologie à la Sorbonne qui m’a totalement déprimé. Sans compter un an au Conservatoire de Paris en auditeur libre chez Olivier Messiaen. Mais je n’ai aucun diplôme. A cette époque, j’étais un » chat sauvage « .
« Vous n’êtes donc pas du sérail ?
Jamais. Ni sériel ni spectral, encore moins néoclassique. J’ai rencontré Iannis Xenakis, qui a fait ma formation spirituelle. C’était un immigré, un rastaquouère pas intégré dans l’avant-garde, et c’est pour cela que je l’ai tant aimé. C’était un musicien pour les pauvres; les riches allaient aux cours d’été avec Boulez et Stockhausen à Darmstadt ».
Et arrive la question qui tue :
« Vous vivez de votre musique ?
A part les cours au Collège de France, en 2007, je n’enseigne pas. Je n’écris pas de musique de scène ou de film. Je ne dirige ni n’interprète mes propres œuvres. Mais c’est une question fallacieuse qui suppose qu’on ne peut pas gagner sa vie avec un travail intellectuel. On ne se pose pas la question pour un chef d’orchestre ou un soliste, qui gagnent en deux représentations autant d’argent que le compositeur, et je ne parle pas des metteurs en scène ! »
(Bon ! Moi qui suis aussi, comme lui – toute proportions gardées – un compositeur autodidacte, je retiens la leçon. Le compositeur doit savoir se vendre, faire parler de lui !).
L’interview du 26 avril est consacré à l’exposition d’architecture « le grand Paris, dix architectes imaginent la capitale de demain« . Dusapin remet le couvert:
« Je me souviens d’un jeune compositeur qui me demandait mon avis sur une de ses partitions pour quatre tubas. Les orchestres ont un seul tuba, jamais plus. Alors je lui ai dit : continuez comme ça, vous ne serez jamais joué« .
Et il revient au sujet de l’interview en déclarant – il faut bien se justifier de ses compétences, parfois !- qu’il a fait deux années d’études en architecture.
Alors, moi qui ai fait aussi des études en architecture (et même un peu plus que lui), je ne me sens pas moins qualifié pour en parler et je vous le dis : en architecture, Dusapin est un grand homme ! 🙂
La preuve, ces paroles que je bois comme du petit lait :
« Régler des problèmes d’urbanisme avec des utopies est le meilleur moyen d’échouer, de faire en sorte que rien ne se passe.Tant mieux quand il s’agissait de Le Corbusier, dans les années trente, [avec ses utopies] qui font froid dans le dos – c’est l’œuvre d’un fou. […] L’architecture est plus de l’ordre du nécessaire que de l’art. Paris donne l’impression d’une ville fermée sans respiration ni espace où l’on peut se glisser. […]Mon modèle c’est Berlin. Berlin sent le futur, sa fluidité est extraordinaire, elle donne l’impression que tout est possible. Je m’y sens heureux ».
J’ai trouvé le titre de mon post : Dusapin, le Jean Nouvel de la musique !
Rien de tel pour se stimuler qu’une bonne petite musique. C’est fou la dose d’énergie et de motivation que cela peut nous apporter. Une vraie petite dose de voyage et de nostalgie 🙂
Je dois envoyer un manuscrit à Pascal Dusapin en septembre 2009, vous avez assurement une idée de l’adresse de son secrétariat.
Merci mille fois d’avance !