C’est une belle jeune femme de 34 ans, brune, grande 1,70 m, sensible, très féminine. Elle est mère d’une petite fille qui avait 4 ans quand le gouvernement de son pays a été renversé et remplacé par une affreuse dictature , le pire régime politique qu’on puisse imaginer. Son enfant lui a été immédiatement enlevé, elle ne l’a plus jamais revue.
Sous prétexte d’augmenter une natalité défaillante, le régime a séquestré toutes les femmes comme elle et les a réduites en esclavage. Leur seul destin : le sexe pour procréer. Après un lavage de cerveau adéquat, elle a été mis au service exclusif d’un couple de hauts dignitaires du régime qui en ont fait leur « servante ». Elle n’a plus de nom, on la désigne par son appartenance à son maître. Elle nous raconte sobrement sa peur permanente face aux exactions du régime, sa vie d’esclave sexuelle avec sa dramaturgie ritualisée, ses interdits, l’ignominie des lois et moeurs de cette autocratie à la fois très rigoriste et dépravée.
La servante écarlate est un thriller dystopique puissant écrit dans un style sobre, sensible, très fluide, (excellente traduction de Michèle Alabret-Maatsch)) avec des pointes d’humour noir et des réflexions sur la condition de la femme face au mâle phallocrate et prédateur, toutes choses qui ne sont pas sans nous rappeler une brûlante actualité.
A la lecture de ce livre, on comprend pourquoi Annie Ernaux s’est étonné que le prix Nobel lui échoit plutôt qu’à cette autre octogénaire, Margaret Atwood. En matière de réflexions et de témoignages sur la condition féminine dans nos sociétés humaines, Les années de la nobélisée ne font pas le poids face à cette Servante écarlate, un best seller dont l’auteure nous dit notamment, dans une postface très éclairante :
Certains romans hantent l’esprit du lecteur, d’autres celui de l’auteur. La Servante écarlate a fait les deux.
Ce roman n’a jamais cessé d’être publié depuis sa première parution en 1985. I1 s’en est vendu des millions d’exemplaires à travers le monde, dans une variété étourdissante d’éditions et de traductions. Il est devenu une sorte de référence pour ceux qui écrivent a propos d’évolutions politiques visant à prendre le contrôle des femmes, particulièrement celui de leur corps et de leurs fonctions reproductrices : « Un peu dans le genre de La Servante écarlate » et « On pense à La Servante écarlate » sont devenues des expressions familières. Le roman a été banni de certains lycées, et il a inspiré d’étranges blogs sur le Web où l‘on discute de ses descriptions de la répression des femmes comme s’il s’agissait de recettes de cuisine.