Journées du Patrimoine : Il faut sauver AINCOURT

Les samedi 19 et dimanche 20 septembre prochains auront lieu, comme chaque année, les très populaires Journées du Patrimoine. Les français y seront invités à venir contempler quelques uns des plus beaux fleurons du patrimoine de notre pays : palais, châteaux et demeures aristocratiques, églises et abbayes, jardins, patrimoine industriel, etc. Des lieux habituellement fermés au public révèlerons une splendeur et un art de vivre qui ont fait la renommée et font encore la fierté de la France. Sans oublier les incontournables interviews télévisées du Ministre de la Culture du moment qui viendra roucouler sa satisfaction sous quelque lambris doré parisien.

C’est hélas oublier que ce Patrimoine tant vanté ne se limite pas aux exemples prestigieux de Versailles ou de Chartres, mais que derrière ces grands arbres, on dissimule une forêt d’innombrables édifices, victimes de l’oubli des hommes et, surtout, de l’incurie des pouvoirs publics censés en avoir la charge. Leur état d’abandon et de délabrement fait peine à voir. Parmi eux, il en est un, dissimulé dans un vaste parc de 73 hectares en plein cœur du Vexin : l’ancien sanatorium d’Aincourt (Val d’Oise), le  plus vaste au monde datant du début des années 1930, fleuron unique de l’architecture moderne hospitalière et dont l’histoire s’inscrivit également au cœur de l’Histoire tourmentée de notre pays. Il fut en effet, de 1940 à 1943, un camp de concentration de transit, où furent détenus de nombreux prisonniers, en partance pour d’autres camps plus terribles d’où beaucoup ne revinrent pas. Une stèle érigée en 1994 en rappelle le souvenir.sanatoriumhttp://foucart.net/wp-content/upbox/sanatorium.jpg1931-1933 : TROIS IMMENSES PAQUEBOTS DANS LA FORET Alertés par la recrudescence de cas de tuberculose dans le département de Seine-et-Oise, le Préfet et le Conseil Général décidèrent en 1930 de lancer un concours pour la réalisation d’un vaste sanatorium, sur la colline de la Bucaille, à la sortie du petit village agricole d’Aincourt. Le projet lauréat des architectes Edouard CREVEL et Paul-Jean DECAUX, fut réalisé en un temps record, d’avril 1931 à juillet 1933, date de la mise en service du sanatorium. Afin de recréer une atmosphère montagnarde, propice à la guérison des malades en un temps où les antibiotiques n’existaient pas, on n’hésita pas à planter une forêt 73 hectares de pins des Vosges tout autour des bâtiments. Aincourt fut une entreprise pharaonique : trois immenses bâtiments identiques, en forme de paquebots, espacés de 400 m, chacun long de 200 m et large de 12 m, furent posés sur les flancs de la colline. Maison de la cure Aincourt Leur architecture est caractéristique de la conception ouverte et lumineuse des sanatoriums de cette période, mais à une échelle jusque là jamais vue. Orienté au sud-est, chaque « pavillon » (un pour les hommes, un pour les femmes, un pour les enfants) comprend trois étages dégressifs en gradins, destinés à accueillir les chambres et les terrasses nécessaires aux cures d’air frais quotidiennes, et une terrasse sommitale. Un immense couloir intérieur dessert les chambres à chaque étage qui sont également reliées à l’extérieur par trois terrasses correspondantes, formant une galerie de cure/solarium. Des coupe-vent en verre dépoli séparent chacun des espaces dévolus aux chambres sur les terrasses. Chaque corps de bâtiment principal est flanqué à l’ouest d’un bâtiment de soins médicaux et, à l’est, d’un complexe comprenant cuisines, réfectoire et salle de spectacles. L’ensemble fut réalisé en béton armé crépi à l’extérieur, et revêtu de granito à l’intérieur. De larges baies vitrées ainsi que de nombreuses ouvertures confèrent à l’ensemble une légèreté et une luminosité rarement atteintes, compte tenu de la masse de chaque bâtiment. Outre ces trois immenses « paquebots », des bâtiments administratifs, buanderie, école, logements de médecins et du personnel médical, dépositoire funéraire ainsi qu’une station d’épuration des eaux et un château d’eau furent construits pour ce complexe hospitalier unique au monde, érigé en pleine campagne, afin de garantir aux malades un air pur et salutaire. La réalisation fut particulièrement soignée, mettant en œuvre les techniques de construction en béton armé les plus sophistiquées de l’époque. La forme de « paquebot » des trois bâtiments destinés aux malades fut édictée par les conceptions sanitaires de l’époque : une architecture aérée et en terrasses, des distances importantes entre les bâtiments pour prévenir tout risque de contagion, à une époque où la tuberculose constituait le principal fléau de santé public pour les populations urbaines. 1940-1943 : LE CAMP D’INTERNEMENT Ironie du sort, cette architecture humaniste, toute de lumière, allait servir de cadre à un des épisodes les plus sombres de l’histoire du XXe siècle. Fin 1940, le sanatorium, réquisitionné par les occupants allemands et débarrassé de ses malades répartis dans d’autres établissements du nord et de Bretagne, devint le premier « Camp d’internement en Zone Nord ». Du 5 octobre 1940 au 13 septembre 1943 il servit de prison pour de nombreux résistants et « suspects », surveillés par un peloton de gendarmes français. Au plus fort de sa nouvelle et sinistre destination, l’ancien sanatorium hébergea jusqu’à 600 prisonniers à la fois. De nombreux convois partirent ainsi d’Aincourt, menant les prisonniers vers les camps de concentration nazis. Beaucoup n’en revinrent jamais. En septembre 2003, une cérémonie commémorant la fin du camp d’internement, eut lieu devant la stèle érigée en 1994, en présence des quelques survivants de ces années de plomb. 1945-2009 : RENOUVEAU ET DECADENCE D’AINCOURT Après la Seconde Guerre Mondiale, le complexe d’Aincourt redevint un sanatorium puis « Centre Hospitalier Départemental du Vexin ». Mais l’évolution des normes hospitalières et des considérations économiques eurent progressivement raison de l’ancien sanatorium. Deux des grands bâtiments furent fermés en 1988 et en 2001, l’administration concentrant ses efforts sur la rénovation et l’agrandissement, fort réussis, de l’ancien pavillon des enfants. Un ravissant jardin japonais est venu embellir le par cet des logements sociaux ont récemment vus le jour dans certains bâtiments d’habitation du personnel hospitalier d’origine, mêlant harmonieusement architecture de béton blanc d’époque 1930 et adjonctions contemporaines colorées. L’ensemble fut même inscrit à l’Inventaire des Monuments Historiques en 1999 ! Pourtant, on ne peut qu’avoir le cœur serré en découvrant l’état de déshérence des deux grands « paquebots » de jadis, livrés au vandalisme des casseurs, tagueurs, les bâtiments ayant même servi de champ de batailles de paint-ball et de sites d’essai pour les pompiers, d’où les traces d’incendie visibles sur certains clichés. Malgré toutes ces injures, les deux majestueux paquebots dressent encore fièrement leur silhouette longiligne, la qualité de la construction ayant permis au gros œuvre de résister aux outrages et à l’indifférence. Mais à l’intérieur, tout fut saccagé, pillé, comme le montrent si bien les clichés pris par le photographe Thomas Boivin, notamment ceux du pavillon Adrien Bonnefoy Sibour qui sont  en partie visibles sur ce blog [ http://www.thomas-boivin.fr ]. IL FAUT SAUVER AINCOURT Profitez des Journées du Patrimoine du week-end prochain pour aller visiter ce site inattendu, véritable joyau architectural planté à 35 minutes en voiture des portes de Paris, au beau milieu du Parc Régional du Vexin. L’accès y est libre, y compris en temps normal. Allez savourer la quiétude du parc forestier et de son jardin japonais. Vous serez gagnés par son silence accueillant. Vous pourrez également contempler l’unique rescapé des trois grands « paquebots », rénové et agrandi en centre de convalescence. Mais surtout, descendez les quelques mètres qui vous conduiront à l’ancien Pavillon Adrien Bonnefoy Sibour, le seul des deux grands bâtiments abandonnés encore facilement accessible, pour constater par vous-même la majesté de cette architecture unique au monde qui honore l’histoire de la Santé Publique Française d’avant-guerre. Vous serez, comme tous ceux qui l’ont vu, à la fois saisis d’admiration et d’incompréhension devant son état d’abandon. Pour aider Aincourt à sortir de l’oubli et ne pas déshonorer la mémoire des résistants qui y furent emprisonnés, il faut sauver ce complexe architectural qui pourrait tout à fait trouver une nouvelle et utile destination, à l’heure où des besoins urgents d’hébergement de personnes du troisièmes âge dépendantes se font cruellement sentir. Pour cela, faites connaître ce lieu, afin de mobiliser l’attention des autorités compétentes. A voir son état de déshérence, on a peine à croire qu’il s’agit d’un bâtiment figurant dans notre Patrimoine, au titre des « Monuments Historiques » !   Les photos d’Aincourt suivront…

24 réflexions sur « Journées du Patrimoine : Il faut sauver AINCOURT »

  1. Il est difficile de préserver l’ancien dans le contexte de recherche permanente de gain des entrepreneurs et autres …

    Dépenser de l’argent pour préserver les "vieux trucs" passe même pour pure folie aux yeux de beaucoup.

    Dommage pour ce monde peuplé de personne ayant perdu jusqu’à  leur propre identité.

  2. Merci beaucoup pources rensegnements précieux. Une association intitulée "Mémoire d’Aincourt" s’est créée afin de tenter de sauver ce qui peut l’être de ce formidable complexe et surtout pour que la mémoire des résistants internés au Pavillon es Tamaris ne soient pas, elle aussi, vandalisée par l’ingratitude des pouvoirs publics, théoriquement en charge de ce lieu. On a du mal à  croire que ces bà¢timent ont été inscrits officiellement sur la liste supplémentaire des monuments historiques, il ya maintenant plus de 10 ans, quand on constate l’inertie avec laquelle on les a laissés livrés au saccage, et ceci à  quelques mètres à  peine des bà¢timents administratifs du Centre Hospitalier encore en fonctionnement. Aveuglement, surdité, autisme ou simplement complaisance ?

  3. Bonjour Yves,
    L’histoire du site, une grande partie en tout cas, se trouve aux Archives départementales du Val d’Oise, à  Cergy Pontoise. Compte tenu de mon éloignement, je ne peux m’y rendre facilement. La tà¢che demande beaucoup de temps, le nombre de dossiers à  étudier est important.
    On a pu me confirmer qu’il s’agissait d’une entreprise parisienne, Lauret, qui avait eu le marché du gros œuvre. J’ai retrouvé d’ailleurs dans les archives de la BNF un article du Journal des débats politiques et littéraires de l’époque qui confirme cela. C’est aussi ce qui est indiqué sur des documents d’archives familiales.
    Mais je n’ai rien pu obtenir sur les conditions de travail, listes des ouvriers, comment vivaient ces ouvriers expatriés d’Italie, leur contrat de travail s’il existait etc…..le côté humain en somme, qui m’aurait beaucoup intéressée, et qui aurait complété les nombreuses photos du chantier, des visages d’anonymes qui ont travaillé durement et qui mériteraient bien que leur nom soit indiqué.
    Le nombre d’articles de presse de l’époque (à  la BNF) est infime, si on le compare à  celui concernant les sanatoriums de St Hilaire du Touvet qui est très volumineux. Et pourtant ces centres disparaissent aussi, de plus en plus cambriolés, dégradés, comme Aincourt.

  4. Les archives du sanatorium doivent conserver tous les documents relatifs a construction. Le problème est que le service de communication de cet établissement, rebaptisé Centre Hosiptalier Départemental, est désespérément muet aux questions posées sur l’histoire du site. Un comble.
    RINALDI

  5. Tant mieux pour les personnes à¢gées et handicapées qui ont bien besoin que l’on pense à  elles !
    Petite question à  ceux qui pourraient me renseigner ; on connaît les architectes du sanatorium, on sait que les ouvriers venaient de la Vénétie en grand nombre, mais connaît on l’entreprise qui était chargée de cette construction ?
    ODT

  6. La municipalité d’Aincourt, par décision du conseil municipal du 5 juin dernier, vient d’autoriser deux sociétés de promotion immobilière à  transformer l’un des deux bà¢timents abandonnés ("Les Tamaris") en résidence pour personnes à¢gées et pour personnes handicapées de 80 appartements dont 40 à  la vente. Comme quoi cet ensemble est toujours adapté à  une destination para-hospitalière. Il était donc inutile de le livrer aux pilleurs et aux vandales. Une fois de plus, on attend le dernier moment pour sauver ce qui peut l’être et à  grands frais, alors que "Les Tamaris" étaient encore intact, il ya peu…

  7. Je me promène souvent dans les deux bà¢timents abandonnés, c’est un crève-coeur de constater leur état. Celui qui a été abandonné en 2000 est désormais fichu, les infiltrations d’eau ont atteint le gros œuvre. Même si les gentils garnements du voisinage et tous les récupérateurs de matériaux ne l’avaient pas saccagé, il était condamné : que faire d’un immeuble construit en 1936 ? Trop grand, trop coûteux de le rénover. Je comprends les Résistants et les personnes qui y ont souffert, mais comment en faire un lieu de mémoire. Il n’y a plus aucune trace de ce qui s’y est passé. Et puis, après la guerre, il a retrouvé sa vocation hospitalière et je doute que quelqu’un y ait trouvé à  redire. Il fallait y penser avant, bonnes gens. Vu le coût d’une démolition, il va rester ainsi à  se dégrader lentement. Quand j’y suis, je pense au temps passé, aux années trente, à  l’Occupation, aux malades, et je vois tous ces fantômes. C’est aussi un beau terrain de jeu, j’en demande pardon à  ceux qui y ont souffert, et mes petits-enfants aiment bien y venir avec moi…

  8. Merci, chère Odette, pour ce message qui illustre encore une fois le caractère exceptionnel de cette entreprise que fut la construction du sanatorium d’Aincourt. Dès 1933, il accueillait déjà  plus de 500 malades dont beaucoup durent la vie sauve grà¢ce aux modernisme des équipements, à  la conception architecturale extrêmement bien pensée et à  la compétence et au dévouement du personnel en place. Ma mère fut l’une de ces malades et doit au sanatorium de la Bucaille (étymologiquement "la colline aux vaches") d’avoir pu vivre encore de longues années après sa maladie.
    Amitiés,
    Yves Rinaldi.

  9. Vous avez raison, Yves, de parler de compétences multiples. Lorsqu’on regarde les photos ou cartes postales de la construction du sanatorium, on s’aperçoit que les entreprises, à  cette époque, employaient un grand nombre d’ouvriers, et que la majorité d’entre eux intervenait directement sur la matière. Pas de matériel sophistiqué, pas de grue apparemment.
    Le sentiment d’appartenance à  un groupe organisé pour un objectif commun, développant un savoir faire, ne pouvait que créer du lien social.
    Je peux vous dire que de nombreuses années après, les ouvriers étaient contents de se retrouver et parler de la "Boucaille" (comme disaient les Italiens).
    Mon père, mes oncles, de nombreux amis ont participé à  cette construction et y ont laissé une partie de leurs forces et de leur à¢me.
    Amitiés
    Odette Favre-Fontana

  10. Merci pour ces renseignements. J’ai effectivement été agréablement surpris de découvrir qu’on pouvait régulièrement acquérir des cartes postales de la construction du sanatorium d’Aincourt sur Internet. Il est vrai qu’à  l’époque ce chantier avait mobilisé beaucoup de moyens techniques et de compétences multiples. L’état actuel d’abandon n’en est que plus scandaleux
    Amitiés,
    Yves Rinaldi.

  11. En réponse à  Yves Rinaldi, et concernant les photos de la construction du sanatorium de la Bucaille à  Aincourt, des cartes postales ont été imprimées dans les années 30 par l’éditeur Thévenin, montrant différentes phases de cette construction, mais aussi les méthodes de travail employées. J’en possède (copies) deux. On devrait en retrouver d’autres parmi les collectionneurs de cartes postales, et peut être dans les archives de ces éditions ?
    ODT

  12. Merci pour avoir communiqué le lien permettant d’avoir des photos du sanatorium en construction. Elles sont plutôt rares. Je comprends l’indignation des ouvriers italiens qui avaient participé à  cette entreprise, considérable et novatrice pour l’époque. C’est d’autant plus pénible de constater ce gà¢chis que l’attitude complaisante des pouvoirs pubics en charge d’Aincourt envers les vandales (on "laisse faire" les destructions à  seulement quelques mètres des bà¢timents administratifs actuels) se double d’une nette propension du Service "Communication" du Centre Hospitalier Départemental du Vexin (nom actuel de l’ancien sanatorium) à  demeurer mutique quand on le sollicite pour en savoir un peu plus sur les "projets architecturaux" en cours. Même chose pour les pages du site internet de l’établissement consacrées à  ces mêmes "projets" : elles ne sont pas actives….comme le Service en question d’ailleurs !
    Yves Rinaldi.

  13. Des photos de la construction du sanatorium sont sur
    http://www.lescommunes.com/commune-aincourt-95008.it.html
    Cette construction faisait la fierté des maçons, cimentiers, manœuvres, chefs de chantiers, entreprise venus de la Vénétie en grand nombre spécialement pour cela. Quelle n’a pas été la surprise de certains ces dernières années, avant leur mort, de voir leur travail ainsi saccagé !
    Les sanatoriums de St Hilaire du Touvet(38), récemment abandonnés risquent d’avoir la même fin d’ici peu.
    ODT

  14. Merci, chère Emilie, pour ta réaction si sensible qui traduit parfaitement l’impression que cet ensemble laisse lorsqu’on le voit pour la première fois. Ce site est effectivement exceptionnel, bien que les photos illustrant le billet ne se focalisent que sur un seul des trois grands bà¢timents qui abritaient jadis les malades. La France s’est toujours singularisée, depuis l’Hôtel-Dieu de Paris, jadis plus grand hôpital de la chrétienté médiévale, par une politique hospitalière ambitieuse, de grande envergure et novatrice. Que l’on songe également à  de grands ensembles comme la Pitié-Sapétrière, Cochin ainsi que tous les grands ensembles bà¢tis en province, tels que les hôpitaux de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais).
    Aincourt s’inscrit dans cette continuité et constitue un moment important de l’architecture des sanatoriums du XXe siècle. Seuls quelques exemples étrangers peuvent lui être comparés, comme le sanatorium d’Alessandria, en Italie, lui aussi construit dans les années 1930, mais demeuré intact, à  la différence d’Aincourt, livré au pire des vandalismes, celui de l’indifférence et de l’oubli.
    Yves Rinaldi.

  15. je trouve l’histoire de ces bà¢timents très émouvante. Les quelques photos que nous découvrons là , laissent deviner l’importance du projet réalisé si vite et dans les années trente, c’est une véritable prouesse architecturale.

    Les lignes de ce vaisseau, sont particulièrement épurées, je ne réalise pas la fonctionnalité du bà¢timent , mais il est superbement bien dessiné, telle une " architecture navale", quel bel équilibre entre le jeu des terrasses en dégradé et la haute tour arrondie ( celle de la vigie ?)
    …Le bà¢timent a souffert,mais il demeure imposant et c’est d’autant plus impressionnant… c’est peut être le genre de bà¢timent qu’il faut parcourir pour en apprécier l’espace , la lumière et les dimensions …alors que les vieilles pierres nous charment tout de suite ( effet de façade , conformisme ? )
    Une image de bà¢timent est toujours frustrante et nous laisse en dehors de la vraie dimension ( la 3 e , la perspective etc. ) enfin bref…

    Je me demande s’il ne devrait pas être réhabilité en espaces culturels, universitaires …? si la médecine, elle, n’est plus intéressée… ( ?)

    (J’imagine bien des centaines de musiciens jouer à  tout vent sur ce navire là  …
    toute la musique du XX es et du XXI es
    quel charivari …)

    Merci pour ce billet, je trouve ce site tout simplement exceptionnel .

  16. Cher Jean-Armand,

    Il est illusoire, comme tu le dis, de vouloir tout préserver, au risque de pétrifier les villes, le paysage et l’architecture elle-même. L’Italie connaît ce problème et les architectes ont peine à  proposer des bà¢timents contemporains au milieu d’un glacis historique sclérosant, bien que faisant l’admiration du monde entier . Cependant, le matériau – le béton -ni la forme – apparemment "banale" que tu trouves aux bà¢timents d’Aincourt -ne doivent être des critères réddhibitoires qui justifieraient qu’on voue aux gémonies un édifice plutôt qu’un autre, fait de bonnes "vieilles pierres". Bien d’autres données entrent en ligne de compte pour considérer la "valeur" historique d’un monument désigné comme tel. D’ailleurs, Aincourt figue à  l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, ce qui n’impose au propriétaire – ici le département – aucune obligation d’entretien. Mais, un des trois grands "paquebots" a perduré, en tant que centre hospitalier et démontre toujours l’adéquation de sa conception d’origine avec les normes hospitalières actuelles. Si l’on s’en tenait à  cette considération, bien des hôpitaux anciens devraient être rasés, ce que l’on se garde heureusement de faire dans la majorité des cas. De plus, comparer les grands bà¢timents d’Aincourt aux barres HLM des années 1950-70 ne me semblent pas tout à  fait pertinent, tant d’un point de vue contextuel qu’esthétique. Après tout, bon nombre de beaux esprits trouvaient la reconstruction du Havre par Auguste Perret hideuse et tout juste bonne à  être démolie, avant que l’UNESCO ne classe cette zone urbaine au Patrimoine de l’Humanité. Sans en arriver là  à  Aincourt, on ferait bien d’y regarder à  deux fois avant de condamner cet ensemble à  la ruine, d’un revers de main que l’on pourrait un jour regretter.
    Yves.

  17. Bonjour Yves.

    J’aime bien les vieilles pierres, mais là  le choix me surprend.

    Tu parles de réutiliser les bà¢timents en gériatrie ; de façon générale il est moins cher de reconstruire un bà¢timent neuf que de réhabiliter un bà¢timent existant. De plus les bà¢timents d’Aincourt ne sont certainement pas adaptés à  la pratique actuelle de la médecine, ce qui signifie qu’il y aurait un surcoût de fonctionnement permanent. Quant à  conserver les bà¢timents vides, je n’ose pas imaginer le coût.

    On ne peut conserver qu’une petite partie du patrimoine, il faut faire des choix. Conserver le patrimoine est d’ailleurs une idée moderne, qui date du 19ième siècle. Avant, on détruisait et on réutilisait les pierres. A commencer par tous les temples paà¯ens, sur lesquels ont été construits des églises.

    Ce bà¢timent perdu dans la forêt ne présente pas des caractéristiques extraordinaires par rapport à  l’architecture de la même époque, à  part le gigantisme. Pourquoi pas préserver les grandes barres des banlieues, puisque c’est l’architecture typique des années 50-60 ?

    Ah, j’oubliais : j’aime bien le paintball… 🙂

  18. Sans parler de la supression pure et simple des subventions annuelles du ministere de la culture pour la restauration des orgues en France, pour les donner au … rap.

    Je crois me souvenir que l’etat en 1905 a vole toutes les eglises de France au moment de la separtaion de l’Eglise et de l’Etat et que donc depuis c’est a l’Etat de s’en occuper.

  19. Il est exact que bon nombre d’églises et de bà¢timents plus anciens que le sanatorium d’Aincourt mériteraient qu’on les restaure d’urgence. La plupart des chantiers de restauration de grandes cathédrales sont d’ailleurs en souffrance depuis des années, faute de crédits suffisants. Mais la leçon de l’anéantissement des Halles de Paris doit demeurer à  l’esprit. Il sera bien temps d’avoir des regrets, une fois la ruine d’Aincourt achevée. Dans le cas d’Aincourt, l’appel à  des fonds privés serai tout à  fait possible, compte tenu de la destination gériatrique que ces grands bà¢timents pourraient prendre. Comme chacun sait, il s’agit d’un marché d’avenir très lucrtif (Salve Lucrum !) sur lequel bon nombre d’entreprises privées et de fondations se sont déjà  positionnées, car les besoins en hébergements de personnes à¢gées dépendantes sont énormes et le seront plus encore dans les années à  venir. Alors, pourquoi se priver de faire œuvre patrimoniale et œuvre d’utilité sanitaire publique en réhabilitant Aincourt, dont la configuration architecturale se prête merveilleusement bien à  cette fin ?
    N’oublions pas non-plus que ce site unique au monde est également un mémorial de la Résistance.
    Ne laissons pas les fantômes d’Aincourt hanter notre mauvaise conscience…..
    Amitiés,
    Yves Rinaldi.

  20. Aincourt, c’était grand, c’était beau, et surtout c’était utile en…1930 – et ce le fà»t aussi en 1940, mais ça on peut le regretter…

    Mais en 2009, époque bénie où¹ l’argent public coule à  flots manque terriblement?
    Réhabiliter d’immenses bà¢timents, loin de tout dont la rénovation couterait des dizaines de millions d’euros, pour en faire quoi?
    Personnellement, et pour rester en Normandie, je trouve lamentable et honteux que l’on ne trouvent pas les crédits pour sauver l’une des plus belles église de la région, celle de Dieppe.
    Il est vrai que la municipalité y est communiste depuis des lustres… :-/

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