(Yves Rinaldi, chroniqueur invité signe ce billet) La derniêre production du célêbre – et révolutionnaire – opéra de Puccini à l’Opéra Bastille peut être saluée comme une réussite. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer dans ce blog en quoi Tosca constituait un tournant décisif de l’opéra italien vers un assouplissement des rêgles un peu rigides du bel canto conduisant à l’affirmation de la dramaturgie comme élément moteur du genre. Sa création à Rome, en 1900, ouvre la voie vers la modernité, bien que les innovations de Tosca passêrent à l’époque presque inaperçues, compte tenu des tensions nationalistes qui sévissaient à l’époque, y compris dans l’univers feutré des scênes lyriques. Ainsi Tosca fut elle conspuée à Paris, à la suite d’une regrettable cabale ourdie par Debussy, alors tout à la genêse de son Pelléas (1902). Paris rend aujourd’hui justice à Puccini et à sa modernité, si l’on en juge par le succês enthousiaste que connaissent les représentations de Tosca à l’Opéra Bastille.
Loin de l’intellectualisme agressif de certaines mises en scênes volontairement « décalées » par rapport au livret, celle signée par WERNER SCHROETER introduit une dose de modernité se situant dans la continuité de celle instaurée par la musique de Puccini qui, pour la premiêre fois dans l’opéra italien, soumet totalement la musique à l’intrigue et au livret de ses comparses GIACOSA et ILLICA. La sobriété de la gestuelle imposée aux acteurs-chanteurs permet de valoriser l’intensité dramatique de la musique et donc du chant, ici particuliêrement expressif. Nous sommes loin du schématisme japonisant systématiquement plaqué par BOB WILSON à toutes les mises en scêne d’opéra qui lui sont confiées et qui finit, aprês trente ans de radotage, en systême artificiel totalement dépourvu de créativité. La direction d’orchestre, confiée au talentueux chef italien NICOLA LUISOTTI, fait intelligemment ressortir l’extraordinaire richesse de la palette sonore propre à l’orchestration puccinienne, souvent écrasée par de lourdes et inutiles emphases de la part de chefs zélés, contraires à l’esprit de la partition elle-même. La distribution brillait par son originalité. La soprano américaine d’origine danoise, CATHERINE NAGLESTAD apporta une puissance toute wagnérienne à ce rôle titre, celui d’une femme à la fois dépassée par la bassesse des intrigues politiques et trahie par sa propre jalousie. Le ténor russe VLADIMIR GALOUZINE au timbre étonnamment sombre, évoquant dans les parties médium de son registre, une voix de baryton-basse russe, conféra une profondeur d’à¢me au peintre Cavaradossi, bien éloignée des roucoulades des ténors italiens abonnés aux timbres clairs et dégagés. Enfin, le baryton américain SAMUEL RAMEY fut fidêle au talent qu’on lui connaît, faisant remarquablement ressortir les tourments qui agitent l’à¢me bien noire du baron Scarpia. Saluons enfin le décor créatif et presque abstrait d’ALBERTE BARSACQ, jouant sur des perspectives faussées et des raccourcis accélérés, grà¢ce au systême des plateaux inclinés vers le public. Ainsi le suicide final de Tosca se déroula face à ce dernier, la soprano disparaissant visuellement, comme happée par les ténêbres. Tosca fut un beau spectacle qui devrait servir de modêle d’intelligence et de modestie, face à une œuvre phare du répertoire lyrique. Yves RINALDI
… "le schématisme japonisant systématiquement plaqué par BOB WILSON à toutes les mises en scène d’opéra"
– dont s’est ouvertement moqué Jean-François Zygel lors d’une Leçon de musique au Chà¢telet.