(Voici un compte-rendu par Mazurka de l’émission dédié à ceux qui n’ont pu la voir,en attendant les rediffusions sur France 2 ou la parution des prochains dvd. Si vous préférez les surprises, surtout ne lisez pas !)
Ce soir là , Vendredi 11 juillet 2008, le pari était difficile à tenir : mener une émission sur le thême «Musique et Cinéma » certes passionnant, mais déjà tellement commenté, sinon ergoté, chicané, tergiversé !
Jean-François,Zygel entouré de ses invités de marque et de prestigieux musiciens, dans une atmosphêre fort ludique et sympathique, réussit pourtant cette Schubertiade nouvelle maniêre, sans jamais laisser une seule seconde de répit à son public, comme dans un véritable film à suspens Sans doute l’esprit festif, celui de la fête de la musique comme du cinéma était de la partie.
Jean-François Zygel
Comment réussir un tel pari ? A la base, il semble qu’il faille convier un Quatuor à cordes brillantissime, une diva à la voix d’or, un organiste de cinéma rarissime , un pianiste de Jazz hors pair, trois invités pro, confiez-les à un magicien- maestro parfois moqueur, et savant, cela s’entend, et puis jouez , jouez de la musique de bon coeur, commentez une heure et demie durant, sans complexes devant un public réceptif ! Impossible de manquer ce film de musique(s) ! votre soirée sera divine …
– Les trois invités du soir, candides,- candides à demi, gens de théà¢tre et de cinéma, étaient dans l’ordre de leur entrée en scêne: –Vladimir ,Cosma compositeur, –François Xavier ,Demaison, comédien, –Jean -Pierre Mocky, réalisateur.
Quiz 1 …puis 2 : Tout le monde le sait, chez Jean-François Zygel on adore les devinettes. Personne n’échappe au quiz initiateur, et cette fois, il y aura même deux quiz ( le second dédié aux musiques classiques utilisées au cinéma, sera proposé en fin d’ émission ) prês d’une vingtaine de musiques de film jouées rien que pour les quiz ce soir là La dizaine de thêmes, joués successivement au piano par Jean-François Zygel, pendant ce premier quiz, ne posa pas trop de problêmes aux candidats dociles et mélomanes: toutes les réponses furent trouvées, surtout par François –Xavier Demaison, (qui en passant, imita la voix de Philippe Noiret )
Vladimir Cosma savait tout, évidemment, mais n’avait pas le droit de parler trop vite, Jean-Pierre Mocky plus discret , intervint aussi quelquefois. (Je me souviens particulièrement de l’hommage qu’il rendit à Léo Ferré . )
Quelles musiques proposées dans ces quiz ? Pas de musiques vraiment très contemporaines, plutôt des films incontournables, des grands standards de: Maurice Jarre (Laurence d’Arabie), Ennio Morricone, Nino Rota (Le Parrain, Huit et demi), John Williams (Stars Wars ), Lolo Shifrin (Mission impossible) Les musiques des films de Tati (Mon oncle) de qui déjà ?…( Franck Barcellini !) et quelques autres Les musiciens-acteurs de la soirée : Tous les musiciens étaient déjà bien connus du public des concerts de JFZ :
Catherine Manandaza, soprano tellement enjouée que nous avions déjà admirée au théà¢tre du Châtelet, interpréta de sa voix puissante et nuancée, tour à tour les airs de La Traviata de Verdi, la Wally de Catalani,( entendu dans le film Diva), les vocalises d’ Ennio Morricone (Il était une fois la révolution) et des airs de western!
On amorça aussi l’air célêbre Calling you du film Bagdad Café Il suffisait à quelqu’un sur ce plateau, de prononcer un nom de musicien, ou un titre de morceau, pour que Le Quatuor Ebêne se mette à jouer naturellement le morceau en question parfois à la surprise même de JFZ.
Ces quatre musiciens talentueux ( Pierre Colombet , Gabriel, Le Magadure, Matthieu Herzog, Raphaà«l Merlin ) ont la particularité de posséder un répertoire très varié et abordent avec une aisance stupéfiante tous les styles possibles( jazz, classique, contemporain ) . Alternant avec la musique classique, ( comme cet extrait de l’ Aria de la suite n° 3 pour orchestre de Bach) on entendra aussi joué par eux, un Misirlou Twist, de Dick Dale, três énergique ! Non contents de former un quatuor instrumental ils se métamorphosent aussi agréablement en quatuor vocal. Il faut avouer que leur tube, le standart : «un jour mon Prince viendra » chanté soudain à quatre voix, dans une três séduisante et humoristique interprétation en a surpris plus d’un dans le public.
Et le jazz dans tout ça ?
Ne croyez pas que le jazz fut oublié ! On s’interrogea même sur le fait qu’il soit si souvent associé aux films policiers… (dans Ascenseur pour l’échafaud, on se souvient de la superbe performance de Miles Davis ). Antoine Hervé , pianiste de jazz, et compositeur, expliquera que le jazz est lié aussi au monde urbain, et à la nuit, donc aux intrigues policiêres. ( C’est une explication plausible…)
Bien souvent, les musiciens de jazz s’emparaient des thèmes de musique de film pour les sublimer finalement et leur donner une seconde vie :
– Count Basie ( dans Girl talk de N. Hefti)
– Louis Amstrong avec l’opéra de quatre sous (Kurt Weill )
– Oscar Peterson et Bill Evans ( Alice aux Pays des merveilles)
Orgue de Cinéma : l’ instrument rare
Vint le moment où¹ l’organiste de cinéma Jean-Philippe Le Trevou présenta son orgue imposant,aussi puissant que l’orchestre, à force de jeux, de boutons, de registres, claviers, pédalier, et autres accessoires sonores (harpe, xylo, orchestre, flûte,tremolo ) Il interpréta plusieurs airs de musique, saisissants, avec un réel sens musical, mesuré et sensible, transcendant le côté un peu kitsch et tape à l’oeil de l’instrument.
Les maximes de la soirée Ciné : Les commentaires ont donné lieu à quelques réflexions intéressantes:
-Jean-Pierre Mocky : « je définis le cinéma en quatre quarts : scénario / mise sen scêne/ photo/ musique/ Dans certains films, la musique en représente vraiment la moitié du film »
– Vladimir Cosma : (dit dans un sourire )
– « Les compositeurs sérieux orchestrent eux-mêmes »
– « il faut se faire commander la musique dont on a l’idée ou l’envie d’écrire » (allusion à son nouvel opéra Marius et Fanny)
– Jean-François Zygel :« Le jazz est souvent lié aux films policiers » :
– François-Xavier Demaison : « Sur une musique sublime, vous mettez n’importe qu’elle image, ça vous arrache des larmes… »
– Zygel: « la musique serait-elle une petite flamme qui chauffe l’écran » Les Meilleurs moments musicaux de la soirée : – L’air de La Wally interprété par Catherine Mandazara et JFZ
– La musique du film le Parrain interprétée au piano et l’air sifflé par le même Antoine Hervé
–Un jour mon Prince viendra par Antoine Hervé puis par le quatuor Ébène,
– La Promenade sentimentale du film Diva jouée au piano par Vladimir Cosma en personne,
– les airs joués à l’orgue de Cinéma par Jean-Philippe Le Trevou:
I got Rythm’ de Gershwin, l’air des Sauvages (Les Indes Galantes) de Rameau ( effet garanti ! ) Ainsi parlait Zarathoustra (R. Strauss) Un temps fut réservé à l’improvisation, dans lequel Jean-François Zygel et Antoine Hervé s’appliquèrent à traduire certains sentiments de cinéma : la peur, le suspens, le sentiment amoureux…
Le Cinéma d’ autrefois :
Petite minute d’histoire de la musique offerte par JFZ : A l’époque du cinéma muet, on jouait de la musique de façon continue avec le film, musique et cinéma étaient à égalité ( à jeu égal) pour ainsi dire. On ne concevait pas de diffusion de film sans musique.
Les orchestres de cinéma, formés de quatre ou cinq musiciens tout au plus, n’avaient pas les moyens de jouer les musiques à grands effectifs, composées pour une soirée de gala à Paris par exemple.
En province, les musiciens de cinéma avaient leur propre bibliothêque, une collection de scênes musicales spécifiques, typiques, appelées «scênes incidentales» ( terme inutilisé de nos jours ). C’étaient soit des scênes d’amour, scênes de dispute, soit de départ, avec ou non espoir de retour, ou encore de violence avec meurtre (il y avait dans ce cas des mesures spéciales à jouer si le meurtre avait lieu dans le film, comme ce passage avec des accords de septiêmes diminuées (jouées aussitôt par Zygel et le Quatuor Ebêne, quelques mesures lugubres et inquiétantes, tirées d’une œuvre du talentueux compositeur Percy Fletcher). Dans le cas contraire où¹ le film ne contenait pas de meurtre : on sautait simplement ces mesures spécifiques.
Quelques questions de fond
– Zygel « Qu’est-ce qu’un bon thême au cinéma ?
– Mocky «Un thême qui se mémorise bien »
– Zygel «donc un thême qui présente une symétrie »
– L’importance du compositeur dans la réalisation et la réussite du film,
– La manière dont un compositeur travaille à sa musique sur table, au piano
– La spécificité de la musique classique au cinéma (occupe- t-elle un rang particulier ?)
– La trop grande notoriété d’une musique connue qui risque de manger le film
– Que retient–on d’un film : une musique ?
– Que retient–on d’une musique de film : un air ?
– Qu’est ce qu’une musique de film ? c’est avant tout une musique originale conçue pour un film particulier » ( Jean-Pierre Mocky )
– Un air classique jusqu’alors inconnu symbolisera à jamais le film :exemple La Wally de Catalani
Autres petites choses recueillies au cours de la soirée :
–Révélation :
– En parlant de Gustav Mahler, Chostakovitch , Rachmaninov,Mozart, Rossini, Beethoven, Chopin, Jean-François Zygel affirma que le compositeur classique le plus utilisé au Cinéma est Franz Schubert ! ( merci à Barry Lindon !)
–Paradoxe :
Les compositeurs comme Rachmaninov qui ne cherchèrent jamais à composer pour des films furent très souvent sollicités pour les illustrer.
–Des Perles…et des goûts des trois invités :
–Vladimir Cosma n’aime pas le motif de la 5 ême de Ludwig, «pompompom » ( c’est nul !…(sic) cette mélodie) mais concède à Beethoven son sens de la construction –
Jean-Pierre Mocky en a assez des musiques classiques utilisées systématiquement dans les films, les « redites » comme Tristesse de Chopin, par exemple, a été repris par tout le monde.
François Xavier Demaison : « je connais un truc ! » jouant plutôt bien, et pour la première fois sur un orgue de cinéma, le début du thème de la toccata en ré de Bach (transposé sur mi )
Générique de fin et quelques doutes…
Au terme de cette émission aura- t-on réussi à définir ce qu’est la musique de film ?
L’ultime question est posée par Jean-François Zygel.
– La musique de film existe-t-elle vraiment ?
– Doit-on parler de musique au cinéma plutôt que de musique de cinéma ?
C’est plutôt l’avis de Vladimir Cosma, mais pour Jean Pierre Mocky, c’est certain, la musique de film , spécifique, existe bel et bien. Le réalisateur vient d’ailleurs de produire douze films d’après des Nouvelles d’ Hitchkock ( diffusés sur 13 eme rue ) et les musiques étant récemment composées par Vladimir Cosma)
Bien d’autres compositeurs bien sûr furent cités :
Michel Legrand, Georges Delerue , Mozart, Lully, Prokoviev, Charlie Chaplin.
C’est d’ailleurs sur un thème d’un film de Chaplin que les trois pianistes de la soirée, Vladimir Cosma, Antoine Hervé et Jean-François Zygel conclurent à six mains par une improvisation très rythmée … à propos de trio, même improvisé, le revoilà ce célèbre trio de western Le bon, la brute et le truand, et qui nous révélera, des trois, who is who ?
© Emilie A. pour Musiqueharmonie.fr
Si vous avez envie de poursuivre le sujet : Musique au cinéma
L’organiste de cinéma Jean-Philippe Le Trévou est un improvisateur hors pair !
Belle émission en effet, la plus enlevée des émissions télé de JFZ que j’ai vues.
Merci Mazurka.
Si j’ai bien compris JFZ et Mocky, la musique de cinéma existe et elle est facile à composer : il suffit qu’elle soit mélodique et se mémorise bien, nous dit Mocky. Il suffit donc de trouver un thème qui soit symétrique ajoute Zygel… A nos crayons ! 🙂
Malgré tout, je note les réserves du seul compositeur réellement reconnu du plateau, Vladimir Cosma : pour lui, la musique de cinéma n’existe pas en tant que telle, si je comprends bien.
Donc , ce ne serait pas si simple…