Promenade hier aprês-midi en bord de marne à Joinville-le-pont, pon pon. Vous connaissez? Les guinguettes au bord de l’eau, le petit vin blanc qu’on boit sous les tonnelles, la valse musette et l’accordéon populaire chez Gégêne ou au Petit Robinson. 😉
Nous passons tranquillement ces deux guinguettes qui sont toujours là depuis plus d’un siêcle, noires de monde en cette chaleur caniculaire. Il manque les canotiers de la belle époque, un vilain bowling défigure le paysage, mais les relents de musette au petit vin blanc et les moules frites à la moutarde survivent et prospèrent toujours.
Et soudain, parvenu vers Champigny, le son strident d’une bombarde bretonne! (. . .)
Comme on s’en doutait, le sonneur est interdit de séjour à son domicile. En cette fin de soirée dominicale, il vient se réfugier sur les bords de marne pour exercer son art, si peu délicat pour les oreilles.
L’homme est sympathique, s’excusant presque de nous importuner. Au fil d’une conversation qui s’installe, il s’avêre que c’est un érudit en matière d’instruments anciens et de musiques traditionnelles de la France profonde. En ce moyen age qui craint le diable et ses futilités dansantes ou musicales, tout doit être utile, les chants de marins qui servent à ramer en cadence tout comme les instruments de musique. La bombarde n’est donc pas à l’origine un instrument à danser mais un outil de travail utilisé par les compagnons pour se reconnaître à distance, se regrouper, travailler et vivre mieux ensemble quand ils sont loin de leur Bretagne natale, sur un chantier de bois dans l’ Allier ou ailleurs. Cet instrument, ancêtre de notre hautbois est diatonique avec sa anche double enfichée sur un petit fut de bois dur, du buis ou du poirier; sa qualité première est d’être puissant pour se faire entendre de loin, et d’être reconnaissable; aussi sa tonalité unique est-elle attachée au terroir d’origine de ses compagnons. A chaque terroir sa tonalité, Sol, La, Sib. C’est ainsi que les compagnons se reconnaissent et se rassemblent, et ils ont l’oreille absolue, par nécessité! Au passage, je note que la bombarde se joue avec le doigté de la flûte à bec, sauf qu’elle ne comporte pas le trou inférieur qui permet de jouer à l’octave supérieure. Joignant l’explication à la démonstration, notre homme m’apprend alors que pour jouer dans l’aigu, il faut souffler encore plus fort en pinçant (toujours plus fort!) la double anche avec les lèvres. Et voilà pourquoi la bombarde est très puissante dans les aigus avec un son particulièrement insupportable!
Mais il s’avère aussi que l’exercice est presque aussi épuisant que de remonter la ballon vers les buts dans un match de coupe du monde. Notre homme nous explique que c’est la raison pour laquelle le sonneur de bombarde joue généralement en compagnie d’un joueur de biniou (qui s’appelle cornemuse dans d’autres régions du centre de la France). Chacun joue à son tour, dans un chant qui alterne exposition et réponse. En somme, quand l’un joue, l’autre souffle! 😉