Hier après midi à Pleyel, Valery Gergiev dirigeait l’Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Petersbourg.
Cet_orchestre, je l’ai connu d’abord à Léningrad, (devenue depuis Saint-Petersbourg) au Théâtre Kirov (devenu depuis Mariinsky). C’était lors d’une représentation des Ballets Russes. Autant je me souviens de ces ballets (et de ces charmantes danseuses à tutu, dans une chorégraphie très classique du Lac des cygnes), autant je n’ai gardé aucun souvenir de l’orchestre. Pas davantage quand je l’ai revu récemment au TCE lors de la 100e du Sacre du Printemps. Faut-il qu’une bande de fabuleux musiciens sorte de sa fosse et monte sur la scène pour qu’on y prête toute l’attention qu’elle mérite ! 🙁Hier, ils se produisaient donc sous la direction de Valery Gergiev, leur chef et Directeur musical, en compagnie d’une nouvelle météorite du piano, Danii Trifonov dans un programme comportant la 9e symphonie (1945), le Concerto pour piano N°1, et après l’entracte, la 4e symphonie.
La 9e symphonie qui date de 1945 est joyeuse, légère, avec une foule de thèmes toujours renouvelés et… courte (25 mn, la plus courte des symphonies de Chostakovitch); aucune emphase, pas de pathos, une orchestration aérienne, un parodie de musique miltaire dans la dernière partie pour égayer le tableau, bref… une musique très agréable. Et dire qu’elle était destinée à glorifier la gloire de Staline ! Ce dernier eut d’ailleurs le (mauvais) gout de la trouver détestable, car justement trop légère, ce qui valu des ennuis au Compositeur (à voir le DVD « Shostakovch against Stalin, The War Symphonies de Larry Weinstein avec le Kirov Orchestra dirigé par Valery Gergiev)
Le Concerto pour piano, trompette et orchestre à cordes N°1 en Ut mineur op. 35 qui date de 1933 est un monde sonore en soi, avec, en première partie, un piano désarticulé, suivie d’un mouvement lent très expressif, assez Ravélien entre cordes et piano et un solo lyrique de la trompette; il se termine sur un tapis de… cordes par une partie de jambes en l’air trompette et piano totalement ébouriffante qui met en lumière la qualité des cordes et surtout l’extravagance du piano, admirablement servi par un jeune musicien monté sur ressorts, une révélation pour moi, Danii Trifonov. Ce jeune prodige (23 ans) a fait un tabac. Au point que mon voisin, un italien qui avait dédaigné la 9e (« j’ai entendu beaucoup mieux à Londres ») s’est montré d’un enthousiasme exhubérant, comme le reste de la salle, d’ailleurs. Pour ma part, j’avais bien aimé aussi le jeu d’un autre jeune pianiste russe à Gaveau, Roustem Saïtkoulov, moins exhubérant.
_Après l’entracte, la 4e symphonie s’est révélé longue, longue… malgré quelques passages éblouissants de beauté. Cette œuvre de plus d’une heure est un patchwork de thèmes tous plus lugubres les uns que les autres. Le programme commun aux cinq concerts consacrés à Chostakovitch en 2013, très complet sur son œuvre symphonique, nous dit que « la partition révèle une vision pessimiste du monde en s’achevant dans la désintégration et le néant« . On ne saurait mieux dire !
Dans ses Mémoires, Chostakovitch observe que « La plupart de mes symphonies sont des monuments funéraires« . C’est certainement pourquoi après la dernière mesure, le chef est resté figé pendant une longue minute de silence – que la salle a religieusement respectée – avant qu’il ne se retourne enfin pour recueillir de longs applaudissements.
Nota : Ce concert retransmis en direct sur France Musique a été également enregistré et sera donc diffusé sur les meilleures chaines musicales 🙂
Lauréat de nombreuses récompenses internationales, dont le prestigieux concours Tchaïkovski en 1998, le pianiste sibérien Denis Matsuev a un parcours de concertiste professionnel de haut niveau. Formé dans la droite ligne de la traditionnelle école russe (son premier enregistrement paru est d’ailleurs consacré à un hommage à Horowitz), il dispose d’une solide maîtrise du clavier.Paris l’a découvert en 2005, au théâtre des Champs-Elysées, à l’occasion d’un mémorable 3e concerto de Rachmaninov, avec ses compatriotes du Philharmonique de Saint-Pétersbourg et Youri Temirkanov.Le public découvrait, peu de temps après, son enregistrement paru chez Sony-BMG et dédié à Tchaïkovski et à Stravinsky.