A la Cité de la musique, pour un programme contemporain assez intéressant Concert du dimanche 15/11/09. Billet rédigé le 20/11/09.
Bonjour à tous, « Concert en matinée », ça sonne un peu désuet mais je trouve ça charmant. Dimanche dernier 15/11 à l’heure du goûter donc, un nouveau spectacle à la Cité de la Musique, pour continuer mes découvertes de compositeurs – plus ou moins – contemporains. Sylvain Cambreling dirigeait l’Orchestre Symphonique du SWR Baden-Baden et Freiburg. SWR, j’ai cherché, c’est Sà¼dwestrundfunk (Radiodiffusion du Sud-Ouest). Qu’on se le dise. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Orchestre_symphonique_de_la_SWR_de_Baden-Baden_et_Fribourg-en-Brisgau) GroùŸe formation ; j’ai compté une bonne vingt-cinquaine de vents et pas moins de huit contrebasses, tout le reste à l’avenant. Les musiciens étaient un peu serrés comme des sourdines, pardon des sardines, mais ça changeait de l’Intercontemporain. Au programme, dans le cadre du Festival d’Automne, du maintenant-classique (Béla Bartà³k), du moins classique (Gyà¶rgy Kurtà¡g) et du pas-classique-du-tout (Mark Andre), joués dans cet ordre. De Bartà³k, sa piêce Deux Images, op.10 Sz46. Créée en 1913, cette œuvre assez courte est écrite en deux parties, censée représenter chacune une image différente. En pleine fleur, la premiêre partie, est plutôt sereine et méditative. L’harmonie est « debussyste », pour reprendre le terme des notes de concert. Passages pentatoniques, gamme par ton, tritons à gogo. Rien de stupéfiant pour qui a déjà écouté et apprécié Bartà³k, mais un joli moment, avec une belle masse orchestrale qui soutient bien l’œuvre (3 flà»tes, 2 hautbois, cor anglais, 3 clarinettes, 3 bassons, 4 cors, 4 trompettes, 3 trombones, tuba, célesta, 2 harpes, percussions, cordes) Danse Villageoise, seconde partie, est beaucoup plus dynamique, avec des accents prononcés et une harmonie beaucoup plus homogêne (beaucoup d’unissons forte entre autres). Un intermêde lent rappelle le thême de la premiêre partie, mais pour être mieux relancé par une clarinette qui relance gouailleusement le thême principal, vers un final endiablé. Comme souvent chez cet auteur, de nombreux passages semblent résoudre les différentes tensions harmoniques via un traitement tonal tout ce qu’il y a de plus classique, mais au moment où¹ l’oreille classique se dit qu’elle a un fil auquel s’accrocher, patatras on repart (soit dans la dissonance, soit sur une tonalité décalée). J’ai trouvé que le traitement successif de ces tonalités était plus frappant que la poly-tonalité verticale à laquelle on pense souvent chez le monsieur. Le thême mélodique lui-même est basé sur une gamme par ton, qui se termine par un dernier intervalle d’un demi-ton ! L’effet de tout ça est extrêmement plaisant (un peu comme lorsqu’on est dans un labyrinthe et que l’on entend les voix connues de plusieurs personnes au gré des rencontres de l’autre côté de la haie). L’œuvre se termine sur un vigoureux accord parfait de sol majeur. De Kurtà¡g, les Nouveaux Messages pour orchestre, opus 34/a Pas moins de 7 percussionnistes pour cette succession de 7 tableaux sonores, certains extrêmement courts, chacun avec sa particularité propre, tous passionnants.
A noter aussi la présence dans l’effectif, d’un bel ensemble d’instruments graves (flà»te basse, clarinette basse, clarinette contrebasse, contrebasson, tuba ), d’un célesta, d’un cymbalum, d’un piano et d’un pianino avec sourdine (ces deux derniers joués par le même pianiste). Je n’ai pas pu m’approcher du pianino, et je ne suis pas sà»r de ce que signifie « avec sourdine » en l’occurrence. I (Merran’s dream) commence par un long crescendo (l’effectif croissant au fur et à mesure), puis les nuances se font beaucoup plus douces, avec un três beau travail d’orchestration. La piêce est lente et sereine.
II (Schatten) est un curieux dialogue (j’aurais bien dit combat, si les nuances et les timbres n’étaient pas aussi feutrès), entre les instruments les plus graves ; de rapides glissandi de contrebasses avec sourdines alternent avec des interventions de la clarinette contrebasse et du contrebasson, des silences pleins de tension, et les timbales qui relaient les instruments. Une belle forme en arche qui amêne l’ensemble à un ff avec les cors et le tuba, puis retour aux lignes des instruments graves, jusqu’à rien. Pas de coup d’éclat, mais comme des petits soubresauts, avec humour, et une orchestration três efficace pour un moment fugace de plaisir étonné.
VI (Schatten – Double) reprend cette même idée, en la développant un peu.
VII (Merran’s dream, pour cordes), reprend l’idée initiale de la piêce initiale, mais en ne gardant que les cordes, toutes en sourdines, pour une fin três poétique. De III, IV, et V, je ne dirai rien, ma mémoire et ma capacité d’analyse en temps réel étant largement prises en défaut, sans parler de l’éclairage du balcon, nettement trop faible pour prendre des notes. Mais aprês tout nous étions là pour écouter de la musique c’était três bien ! L’auteur, dans la salle, a été longuement applaudi. Pour finir, de Andre, auf, un triptyque pour grand orchestre et live-electronics On peut préciser que seule la troisiême partie utilise les technologies électroniques, et quelles n’interviennent en fait que pour un renfort somme toute discret, mais efficace, de l’orchestration instrumentale. L’orchestre est placé en miroir, avec la plupart des instruments en double : De la gauche vers le centre (et de la droite vers le centre donc), piano, harpe, contrebasse. Les violoncelles au centre, deux groupes de violons et altos de part et d’autre. Les vents à l’arriêre, et les percussionnistes au fond. A l’entracte, je vois les pianistes installer un bric à brac peu orthodoxe sur leur piano, et coller des étiquettes multicolores sur les cordes (ou les marteaux je ne sais pas trop). Ca sent bon le corps à corps avec les cordes et les maltraitances instrumentales diverses (miam). Heu en fait pour les percussionnistes c’est un peu plus compliqué. Ils sont 7 en tout, 6 sur scêne pour les deux premiêres piêces. Le septiême est sur le balcon, et attend tranquillement à côté de ses instruments. Car il y a du monde au balcon ! Pendant la derniêre piêce, deux de ses camarades le rejoignent, pour une petite partie de spatialisation (au balcon, un à gauche, un à droite, un derriêre). Ca permet de réveiller en sursaut ceux qui ne suivaient pas, et est associé entre autres aux sons électroniques. On peut penser que c’est purement anecdotique, mais ça arrive dans un passage crescendo, et est du plus bel effet. Bien entendu, les personnes au balcon et d’autres dans la salle qui avaient remarqué les instruments se tordent le cou réguliêrement pendant tout le spectacle pour voir quand ça va venir. Personnellement, j’aurais mis tout ça en place et je ne les aurais pas fait jouer (hi hi). On est dans une musique déroutante, foisonnante d’idées et de modes de jeux inhabituels (encore qu’ils le sont de moins en moins) : les cordes sont grincées, battues, caressées, frottées, claquées ; les vents sont joués en souffle sans vibration, en percussion de la main sur les embouchures ; les violoncellistes jouent l’archet sur le chevalet ; les percussionnistes jouent les métallophones et timbales à l’archet. Quant aux pianos, hé bien ils sont en effet maltraités : Utilisés en percussions pure (paume de la main), cordes frappées directement avec ce que je crois être un petit marteau, application du principe du bottleneck (« guitare hawaà¯enne »), en jouant un accord au clavier en opérant des glissandi sur les cordes à l’aide d’un verre à boire, et last but not least, longue séance langoureuse de massage des cordes à deux mains (quand je serai grand, je veux être piano). Les notes du concert parlent d’études de Mark Andre avec Lachenmann (tout s’explique 😉 La partition, que je n’ai pas pu voir, semble regrouper énormément de notations symbolisant les gestes à accomplir,
plus que le classique couple « durée / hauteurs ». Pour ce qui est de l’œuvre elle-même, j’avoue m’être laissé bercer parfois et surprendre souvent, sans chercher à trop l’analyser le long de ses 50 minutes.
- Il y a clairement des mélanges de types de sons (harmonies, sons sans timbres, bruits purs),
- un traitement des nuances assez exacerbé (de longs passages à la limite du silence, des instruments effleurés en ppppp),
- des silences totaux, *três* longs,
- énormément de tension, y compris dans ces silences, mais pas de résolution faciles (du genre on fait silence, et tout à coup tout explose),
- une écriture rythmique par rebonds, facilitée entre autres par les instruments doublés. Il y a notamment tout un tas de dialogues entre les deux pianos, qui se répondent, se chevauchent en se décalant un peu
Je me suis rendu-compte de deux choses :
- La formation avec deux pianos semble se généraliser dans les piêces modernes pour ensembles d’une certaine taille, ainsi que la présence du célesta et des instruments três graves
- Le traitement des silences, dans de nombreuses œuvres modernes, a un peu modifié la gestuelle des chefs d’orchestre, avec des nuances entre le geste qui signifie « c’est un long silence et je continue à battre la mesure », le geste « on change de séquence/mouvement, je garde le bras en l’air ou je le baisse doucement mais ça n’est pas fini » et le geste de fin, utilisé notamment lorsque la piêce se termine par un morendo três long (voire un silence battu). Dans ce dernier cas, guetter le relà¢chement des épaules. Et applaudir avant que le chef ne se retourne, parce que sinon ça veut dire qu’on n’a rien compris 😉
Prochain compte-rendu de concert, celui que je suis allé voir hier soir 19/11. J’y ai rencontré JAM, avec un peu de chance nous nous partagerons le travail ! A bientôt à tous Amitiés
—
Arthur P.S. Je sais ; « vingt-cinquaine » ça n’existe pas