Définition: Harmonisation n.m. d'harmoniser: Combiner (une mélodie) avec d'autres parties ou avec des suites d'accords, en vue de réaliser un ensemble harmonique (Petit Robert).
Trois méthodes d'harmonisation coexistent et se complètent, suivant l'effet musical recherché.
Le choix partiel ou total de telle méthode résulte donc de facteurs tels que la forme musicale, l'orchestration (affectation de telle voix à tel instrument ou groupe d'instruments) ou la ponctuation du discours musical (rupture du rythme, de la cadence, du volume sonore, etc.)
Les deux premières méthodes donnent une vue harmonique "verticale" de la musique: elle combine les voix entre elles suivant la position des accords, position ouverte ou fermée. La troisième, le Contrepoint (examinée au chap.18) les combine dans une vue mélodique.
Dans ces accords, le nombre de voix est limité à 4 ou 5 (sans compter les voix doublées à l'octave), et l'intervalle est celui de l'orchestre symphonique tout entier, de la contrebasse à la flûte.
Ces accords sont d'une espèce particulière: les voix (de 4 à 5 au moins) sont resserrées dans un intervalle d'une seule octave, et elles se déplacent par mouvement direct, en suivant -ou en formant- une ligne mélodique principale.
Cette méthode favorise donc les mouvements rythmiques ou dynamiques d'un passage musical, et elle en souligne la ligne mélodique. Elle permet les dissonances par "frottement" de notes voisines au sein de progressions modulantes. Les accords sont généralement joués par le même instrument, ou sont dévolus à tel groupe homogène d'instruments de l'orchestre (cuivres, bois, harpes).
De tels accords en position fermés sont fréquents dans la musique populaire, le jazz ou dans certains passages de musique contemporaine, par exemple Le Sacre du Printemps de Igor Stravinsky.
Leur harmonisation est complexe, comme on le voit dans l'exemple de jazz ci-dessous: [1].
(Fig. 1) Stella by Starlight (partie piano)
Bien qu'elles varient d'une méthode à l'autre, elles trouvent leur fondement dans l'histoire de la musique occidentale.
Elles sont présentées en parallèle dans le tableau ci-dessous.
Accords en position ouverte |
Accords en position fermée |
1. Intervalle harmonique entre les voix. |
Entre soprano-contralto et entre contralto et ténor, l'intervalle maximum ne doit pas dépasser une octave.
Le chant étant à l'origine de toute musique, ces règles sont liées à l'ambitus[2] de la voix humaine.
Entre ténor et basse, l'intervalle est sans limites.
L'instrument enrichit l'harmonie en doublant la basse, ou accompagnant le chant (basse continue ou ostinato des musiques médiévales). |
Les différentes voix sont comprises dans un intervalle d'une octave.
Le nombre de voix est de 4 voix au minimum pour permettre d'identifier clairement la nature fermée de l'accord.
Ces accords sont à réserver au registre medium du spectre sonore (meilleure perception par l'oreille) |
2. Intervalle mélodique entre 2 même accords |
Tant qu'on reste dans le contexte harmonique d'un même accord, l'intervalle mélodique maximal ne doit pas dépasser une octave.
Ceci est mis à profit pour modifier librement les hauteurs de voix. |
Tant qu'on reste dans le contexte harmonique d'un même accord, l'accord doit se répéter à l'identique.
Dans la mesure où l'effet recherché est la répétition (rythme, crescendo sonore, etc.) |
3. Intervalle mélodique entre accords différents |
Lorsque l'accord change, l'intervalle mélodique maximal est d'une tierce, sauf si le saut se produit entre deux notes qui accomplissent la même fonction dans leurs accords respectifs. Dans ce cas l'intervalle mélodique maximal est d'une sixte.
Les raisons sont encore historiques, liées à la pratique du chant accompagné au luth. |
4. Résolution des sensibles et des dissonances: |
- Si l'une des deux sensibles (sous-dominante ou sensible) de la tonalité se trouve sur une voix importante par sa priorité d'écoute (Soprano ou basse ou dans une mélodie solo) :
- soit elle est résolue (elle va vers la tonique)
- soit elle change de fonction par l'effet d'une modulation (changement de tonalité)
- Plus généralement, toute dissonance doit être résolue, même avec quelques temps de retard.
Cette règle est à la base de la musique tonale occidentale. |
5. Mouvement des voix quand l'accord change |
Eviter le mouvement direct des voix. |
Les voix évoluent par mouvement direct, en suivant la ligne mélodique principale.
Intérêt: renforcer la ligne mélodique principale, enrichir l'harmonie (progressions polytoniques) |
Entre ténor et basse, l'intervalle est sans limites.
Raison: promouvoir la diversité, éviter la monotonie… |
6. Sont interdits... |
Octaves parallèles
Quintes parallèles interdites dans l'harmonie à trois notes.
Quintes et octaves parallèles conduisent à des harmonies pauvres et monotones. |
… Les mouvements directs quand ils ne permettent pas de respecter la résolution des sensibles et des dissonances.
Deux façons d'y parvenir: la modulation, ou l'ouverture de l'accord ("Drop" d' une note). |
(Fig.2) Règles fondamentales de l'harmonisation
NOTA: Mettre en œuvre de but en blanc les règles énoncées ci-dessus n'est pas choses aisée. C'est pourquoi l'harmonisation des accords ouverts nous intéressera principalement avec l'étude successive (1) des accords parfaits majeurs, (2) de leurs renversements, et (3) des accords de 7e. Les modes mineurs seront examinés au chap. 8. Il sera alors intéressant de revenir sur ces règles fondamentales d'harmonisation pour en apprécier toutes les subtilités[3].
C'est à partir du chap.15 (Mouvements chromatiques et Successions polyphoniques) que nous disposerons des matériaux permettant de maîtriser l'harmonisation particulière des accords fermés
Rappelons que les accords parfaits sont les six premiers "accords de quinte", (ou "accords de fondamentale") de la gamme:
Positions mélodiques: On les représente sur deux portées, comme sur la partition de piano, avec leur basse doublée dans l'une des trois voix supérieures. Il en résulte des accords ouverts ou fermés, suivant le cas, avec en position mélodique d'octave, de quinte ou de tierce :
(Fig. 3) Positions mélodiques de l'accord parfait
Les 5 configurations d'enchaînements des accords parfaits:
1 - Les accords se succèdent avec des intervalles de tierce ou sixte
Les accords successifs ont alors deux notes en commun.
Le processus comporte 4 étapes:
(Fig.4) Enchaînements des accords parfaits avec intervalles de tierce ou sixte
2 - Les accords se succèdent à intervalle de quarte ou de quinte
Exemples:
Ces accords ont une note en commun. Le processus est en 3 étapes :
(Fig.5) Enchaînements avec intervalle de quarte ou de quinte
3 - Les accords se succèdent à un intervalle d'une seconde
Dans ce cas il n'y a pas de note commune, et le processus est en 2 étapes:
(Fig. 6) Enchaînements avec un intervalle d'une seconde
4 - Cas particulier: enchaînement avec la note sensible au soprano
Ici, la note sensible est dans le premier accord qui s'enchaine avec un intervalle d'une seconde sur le deuxième.
Si la sensible se trouve au soprano, elle doit être conduite à la tonique, même si cela contrevient à la règle précédente: il faut résoudre la tension provoquée par cette sensible sur une voix importante.
Il en résulte un accord de sixte avec la tierce doublée (ici DO).
Exemple: on enchaîne les accords de 5e et 6e degré (V-VI).
5. Basse doublée à l'octave
Pour varier les plaisirs, on a le droit de doubler la basse à l'octave entre deux accords de même type. Ceci donne souvent une certaine liberté pour conduire la mélodie.
Les accords de fondamentale s'enchaînent suivant des règles syntaxiques qui structurent le langage musical.
Le tableau ci-dessous en fait une première synthèse, que le lecteur courageux peut utiliser maintenant pour quelques exercices qui lui permettront de sentir ce qui sonne bien ou moins bien suivant le mouvement harmonique.
(Fig.7) Enchaînement des accords de fondamentale
Exemple d'enchaînement: I-VI-II-VII-IV-II-V-III
que l'on poursuit par le même motif qui se conclut sur un accord de tonique: I-VI-II-VII-IV-II-V-I
Ces règles sont en effet basées sur la notion de cadences, que nous étudierons plus loin.
- Fin du Chapitre 3 -
[1] Bel arrangement par Gérard Landon(merci à lui!) de ce standard du jazz Stella by Starlight, piano accompagné d'une walking bass, mixés ici pour l'écoute de ce MP3 (Cliquer sur le lecteur audio).
[2] Ambitus: amplitude d'une voix, du son le plus grave au son le plus aigu.