L'harmonie, c’est l'art infiniment complexe d’assembler les sons pour former des accords au sein desquels ces sons interagissent, selon des lois naturelles de résonance fort subtiles. C’est aussi l’art d’enchaîner ces accords.
La marque personnelle du compositeur s’imprime notamment dans le choix de ces enchaînements.
Notes et gammes
Analogie classique, l'harmonie est à la musique ce que la syntaxe est à la littérature. Les notes sont aux accords ce que les lettres sont aux mots, les gammes en sont l'alphabet et se définissent par une succession ordonnée d'intervalles mesurés à partir de la tonique (première note de la gamme).
Les origines
Il est vraisemblable que les premières suites de hauteurs de sons qui ont été employées par les hommes pour faire de la musique furent suggérées par les harmoniques naturels.
Ces sons harmoniques peuvent être obtenus notamment:
par la vibration en un ou plusieurs fuseaux d’une corde unique,
Une expérience facile nous est suggérée par un adhérent du Salon de musique, François-Xavier Thoorens [1]: Sur un piano, enfoncer délicatement la touche d'un DO sans frapper les cordes (ce qui a pour effet de les libérer sans les faire vibrer). Tout en gardant cette touche enfoncée, frapper la touche du DO situé à l'octave inférieure d'un petit coup sec, puis écouter la résonnance dans le piano. On constate que le DO non frappé, qui est la 1ere harmonique du DO inférieur frappé est entrée en résonnance. Si on réessaye avec un DO et un RE, cela ne fonctionne plus. Magique!
par la vibration de l’air dans un tuyau non percé de trous. C'est sur ce principe que fonctionne par exemple le cornet de l'orgue.
(Fig. 1) Les 16 premières harmoniques de DO
À considérer l’ensemble des gammes utilisées, on remarque que:
Elles ont en commun l’octave, intervalle de base, c’est-à-dire le rapport le plus simple (1 à 2) des longueurs de tuyaux ou de cordes vibrantes .
Cette octave est divisée en intervalles plus petits d’inégale grandeur.
En allant du plus simple au plus compliqué, on trouve donc un très grand nombre de divisions de l’octave. La plus classique (utilisée au début du moyen âge) est formée de deux quartes et d’une seconde majeure (DO FA SOL DO) et les plus complexes sont des suites de tons, de demi-tons et de tierces mineures (ou secondes augmentées). L'harmonie moderne utilise notamment la quarte augmentée (ou triton) qui divise la gamme en deux intervalles égaux (DO FA# DO).
La plus usuelle des gammes de la musique européenne occidentale à l’époque classique (en gros, du XVIIe à la fin du XIXe siècle) est une suite de tons et de demi-tons (DO, RE, MI, FA, SOL, LA, SI, DO). C'est celle qui va nous occuper dans les premières leçons.
Historiquement, c'est au moyen âge, époque où la musique est essentiellement chantée que l'on commence à repérer les hauteurs de notes. On distingue d'abord la tonique, qui s'appelle "finale", et la dominante, note tenue appelée "demeure", puis la quarte . Plus tard, vers l'an mille, on distingue les 7 notes qui sont désignées par des lettres. Au XIesiècle, le moine Guido d'Arezzo élabore une nouvelle méthode pédagogique, la solmisation, consistant à chanter les notes sur les syllabes d'un texte au lieu de les solfier. Le texte de départ est un hymne à Saint Jean-Baptiste, Ut queant laxis. Aux syllabes initiales de chacun des vers correspondaient six notes conjointes pouvant s'enchaîner les unes aux autres :
Ut queant laxis
Resonare fibris
Mira gestorum
Famuli tuorum
Solve pollutis
Labii reatum
Sancte Iohanes
Les notes prennent rapidement le nom des syllabes pour former une succession ascendante, l'hexacorde. Elles conservent encore cette désignation dans les pays de langue latine (à l'exception de l' Ut, plus fréquemment baptisé DO). Les Anglos-saxons et les Allemands ont conservés la notation par lettre, avec une petite différence entre eux: en Allemagne, B désigne le SI bémol (c'est B flat pour les anglo-saxons) et H désigne le SI.
Gamme majeure ou diatonique
La gamme est majeure quand elle comporte une série de notes séparées par un ton ou un demi ton comme indiqué ci-dessous:
(Fig. 2) Gamme de DO Majeur
C'est historiquement par cette gamme diatonique que l'harmonie s'est structurée à ses débuts[2].
Les notes d'une gamme, encore appelées degrés ou voix sont caractérisées de diverses manières, récapitulées dans le tableau ci-dessous (tonalité: DO Majeur):
(Fig 3) Propriétés des notes
On désigne généralement les notes par leur intervalle. Mis à part la tonique, on parle de quinte plutôt que de dominante, de tierce plutôt que de médiante et de septième plutôt que de sensible (sauf quand on fait référence à la fonction).
Les Intervalles
Ils sont dits justes quand ils découlent d'une division (ou d'une multiplication) par un nombre entier de la fréquence de la tonique. Quarte, quinte et octave sont des intervalles justes.
Dans une gamme majeure, les intervalles qui ne sont pas justes sont…majeurs!
En augmentant d'un demi-ton les intervalles justes et majeurs, on obtient des intervalles augmentés.
En diminuant d'un demi-ton les intervalles justes et majeurs, on obtient des intervalles diminués et les intervalles deviennentalors mineurs.
Nota : Juste, augmentée, majeur, mineur, tout ceci est conventionnel, et correspond à un certain type d'accords des instruments, mais la réalité du son est exprimée par sa fréquence qui conduit à des intervalles plus ou moins réguliers, voir la vidéo ci-après.
Le registre de la voix humaine, et par extension, celui des instruments de l'orchestre constitue le noyau harmonique. Ils se distribuent traditionnellement de l'aigu au grave selon quatre voix: soprano, alto, ténor, basse.
Les instruments se répartissent dans ces différentes voix en fonction de leurs ambitus:
(Fig. 4) Exemple de distribution orchestrale avec les tessitures des instruments
(Fig. 5) Disposition des instruments dans l'orchestre
Mouvement des voix
Lorsque les voix se rapprochent ou s'éloignent, on parle de mouvement contraires
Lorsque les voix montent ou descendent ensemble, on parle de mouvements direct
Si dans un mouvement direct, les voix gardent le même intervalle, on parle de mouvement parallèle.
Lorsqu'une voix bouge pendant que l'autre reste fixe, on parle de mouvement oblique
(Fig. 6) Les mouvements des voix (cf. règles d'harmonisation Chap.3)
La gamme de DO majeur ne comporte pas d'altérations. Si nous fabriquons une autre gamme avec une tonique située à une quinte supérieure ou inférieure tout en respectant les intervalles qui permettent à chaque note de remplir sa fonction, il nous faut altérer les notes, soit par un dièse #, (+1/2 ton), soit par un bémol b (-1/2 ton).
Regroupées en début de portée, "à la clé", ces altérations constituent l'armure (ou armature ou signature…) C'est donc par l'armure que l'on retrouve la tonalité et le mode de la gamme d'un morceau, c'est à dire la tonique de la gamme dans laquelle il est joué.
A l'armure , les dièses sont disposés dans l'ordre des quintes ascendantes, les bémols dans l'ordre des quintes descendantes (ou quartes ascendantes).
Le cycle des quintes
Il est représenté dans toutes les tonalités sur le cercle des quintes (ci-contre).
Les gammes majeures sont ici représentées en majuscules, les mineures en minuscules [3].
(Fig.7) Le cycle des quintes
Quand le tempérament est égal, les notes enharmoniques sont égales (FA# enharmonique de SOLb par exemple, comme sur le piano).
- dièses à la clé: la dernière altération désigne la sensible
(on rajoute ½ ton pour avoir la tonalité).
Exemple: 4 # à la clé
Tonalité: MI Maj ou DO# mineur
- bémol à la clé: la tonalité est donnée directement par l'avant dernier bémol
Exemple: 4 b à la clé
Tonalité: LAb Maj ou FA mineur
(Fig.8) Retrouver la tonalité en fonction de l’armure
Notation des notes de passage chromatique
Gamme majeure ascendante(Fig. 9), ci-dessous )
La notation des altérations se fait par les #, sauf pour le 6e degré. Pourquoi? allez savoir …
(et dites le nous!)
Gamme majeure descendante (Fig. 10 : )
La notation des altérations se fait par lesbémols, sauf pour le 4e degré. Pourquoi? (Voir plus haut!)
Gammes mineures ascendantes et descendantes(Fig. 11:)
La notation des altérations se fait par les bémols, sauf pour le 5e degré. Pourquoi? Parce que cette gamme emprunte les notations de sa gamme majeure relative (en DOmin, comme en MIbMaj).
[2] Dans un souci pédagogique, nous suivrons ce même fil directeur pour aller du simple au complexe, du diatonique au chromatique. Les modes mineurs seront donc étudiés à partir du Chapitre 8.
[3] Nous reviendrons sur ces notions de majeur et mineur ultérieurement.