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Philippe Deleplace : Quatuor de bois – II- Analyse

Cher Philippe,

J’ai écouté attentivement le 2e mouvement de ton dernier ouvrage intitulé «  Jeux  de quartes » pour quatuor de bois et l’ai trouvé très intéressant, bien que d’un abord difficile  en première écoute.

La rythmique à quatre temps fait l’unité de la pièce, avec un caractère primesautier délibéré qui évoque  la légèreté et l’insouciance d’une jeunesse joueuse.

Sans partition, je me suis amusé à rechercher (c’est une gageure !) les tonalités utilisées dans cette pièce largement atonale. Le début en fa  enchaîne rapidement les modulations pendant les 30 premières secondes, plus ou moins à la quarte  (d’où le nom de la pièce ?). Mais à partir de 29′ , la tonalité reste globalement en sib, ce que confirme la pirouette tonale de la fin.

Je me suis demandé comment tu composes (chacun a son style, sa méthode…). Ecris- tu  sans te poser trop de question sur la forme, comme un Dusapin, dans la foulée d’une inspiration qui dicte le style ? Ou au contraire,  écris-tu « sous contrainte »,  comme Messiaen ou Boulez (chacun avec sa méthode) ? Essaies-tu d’éviter  les consonances, les idées mélodiques,  les résonances lointaines des musiques néo-classique que l’on trouve chez un Karol Beffa ? La question se pose, à l’écoute de ta musique.

Je profite de ce billet pour présenter tous mes voeux à mes fidèles lecteurs : que cette année soit plus riche d’oeuvres musicales et artistiques, avec moins des  problèmes que nous vivons malheureusement au quotidien.

Jean-Louis Foucart

Xenakis ingénieur, architecte et grand compositeur

Merci à mon cher chroniqueur et musicologue distingué  de nous avoir signalé ce très intéressant documentaire d’ARTE TV de Stéphane Ghez  consacré au compositeur français d’origine grecque à l’occasion du centenaire de sa naissance. Il nous apprend que Xenakis n’est pas seulement le « mathémusicien  » que l’on raconte habituellement: Ingénieur en béton armé formé en Grèce, il exerce ce métier en France au service de Le Corbusier, tout en se faisant connaitre, avec l’aide de Messiaen, comme compositeur  de la musique « stochastique » à base de concepts mathématiques qu’il programme en fortran, une musique contemporaine totalement novatrice. 

Ce documentaire nous apprend aussi, avec les témoignages de sa fille, Mâkhi Xenakis , du compositeur grec Georges Aperghis et surtout de son disciple,  Pascal Dusapin que sa musique et ses partitions s’inspiraient de ses différents métiers, comme le synthétise Renaud Machard dans son portrait d’un musicien à l’oreille d’architecte :

A l’époque où leurs styles musicaux se sont constitués, Boulez entendait des hauteurs et des combinatoires ; Xenakis percevait des masses et des flux. Et l’une des qualités de l’excellent documentaire Xenakis révolution, le bâtisseur du son, de Stéphane Ghez, est de montrer comment Xenakis a fait cohabiter les acquis de ses métiers. Notamment en superposant à l’écran les graphismes musicaux de sa première partition officielle, Metastasis (1953-1954), pour orchestre, et les plans d’architecte du couvent Sainte-Marie de La Tourette (1956-1960) pour lequel Le Corbusier lui avait laissé une large part de créativité et d’intervention.

Pour ma part je retiendrai la confidence faite par Xenakis à Dusapin : « l’ordinateur n’invente rien, pas de déterminisme dans mes compositions,  c’est l’arbitraire ! L’instinct est le choix subjectif,  le seul garant de la valeur d’une œuvre ».

Xenakis révolution, le bâtisseur du son ,   documentaire ARTE tv 

Chasseurs d’orgues

Voici un documentaire passionnant à voir d’urgence sur arte.tv jusqu’en début juin. Il nous fait  voyager à travers le temps et l’Europe sur les traces de l’orgue.

Ce documentaire nous raconte comment cet instrument, roi du baroque a survécu à l’anticléricalisme de la Révolution française, puis s’est peu à peu échappé des églises pour conquérir les clubs de jazz et les musiques actuelles. De célèbres facteurs et joueurs d’orgues nous font revivre les plus belles pages de son histoire, au fil d’un périple musical érudit à travers l’Europe. Dans la chapelle royale du château de Versailles, la soprano Sabine Devieilhe, accompagnée par l’organiste et compositeur Bernard Foccroulle (coauteur du documentaire), interprète la « Première leçon de ténèbres » de François Couperin. À Peglio, sur les bords du lac de Côme, Lorenzo Ghielmi joue une toccata de Frescobaldi, tandis qu’une cantate de Bach, « Ich habe genug », chantée par le ténor Julian Prégardien, résonne dans une église de Ponitz, en Allemagne. Au cœur de la basilique Saint-Sernin de Toulouse, César Franck vibre sous les doigts de Monica Melcova, quand Thomas Lacôte fait retentir à Paris les « Chants d’oiseaux » d’Olivier Messiaen. Enfin, du provocateur « Volumina » de Ligeti aux rythmes africains de Jean-Louis Florentz, Olivier Latry et Shin-Young Lee exécutent des œuvres du répertoire contemporain à la Philharmonie de Paris.
arte.tv

L’orgue à la Philharmonie de Paris


Quelle impression incroyable que d’entendre  sous les doigts d’Olivier Latry – que dis-je ? – de VOIR SONNER  les trompettes du grand orgue comme si elles étaient physiquement avec les instrumentistes de l’Orchestre National de Lille, sous la baguette d’Alexandre Bloch, en ce début du Concerto pour orgue et orchestre d’Eric Tanguy, hier soir, à la Philharmonie de Paris !
Ecouter ensuite les flûtes de ce même Grand Orgue dessiner les motifs délicats des Offrandes oubliées d’Olivier Messiaen ! Quel sentiment étrange que d’entendre un grand orgue sonner au milieu de la salle, mariant aussi intimement ses registres à ceux de l’orchestre symphonique !

L’Orchestre National de Lille joue Saint-Saëns,
O. Latry salue l’orchestre

Le clou de la soirée fut néanmoins, après l’entracte, la 3e symphonie de Saint-Saëns. Ce fut un miracle d’équilibre acoustique entre l’orgue et l’orchestre, autant dans les passages poétiques de l’adagio du 1er mouvement que dans les tuttis du scherzo du 2e mouvement.

Rien que pour cette écoute qui transcende la musique, cela vaut la peine de fréquenter la Philharmonie, même si, pour le reste (le quartier, le trajet) on peut regretter le temps des concerts classiques à la salle Pleyel. Il me reste à expérimenter la maison de la Radio, dans son nouvel auditorium…