Lang Lang et Herbie Hancock à Pleyel

Pour certains, le concert, c’est comme l’office du dimanche. C’est une affaire sérieuse, on y va pour écouter avec componction les musiciens. A la sortie on glose sur l’interprétation, comme on le fait du sermon dominical.
Pour d’autres, c’est un évènement festif que l’on vit dans la bonne humeur, dans les rires partagée avec les interprètes, joyeux. Le concert est juste l’occasion de passer un bon moment, de fabriquer de bons souvenirs.
Hier soir, à Pleyel, pour mon dernier concert d’abonné, chacun y a trouvé son compte.

Personnellement j’y venais pour revoir Lang Lang et Herbie Hancock jouer ensemble car j’avais gardé un souvenir ému d’un fameux concert des années 80s à la Villette où Herbie jouait – joutait plutôt – avec un autre compère, Chick Corea.
Cette fois, pas de comparaison possible, nous somme à Pleyel avec l’Orchestre National des Pays de la Loire dirigé par l’américain John Axelrod. Pas de jazz, ni d’improvisation (ou si peu…), mais du classique de chez classique avec un choix de musiques joyeuses, toutes de strass et de lumières:
L’Ouverture du Carnaval Romain de Berlioz, avec un orchestre qui sonne bien, dirigé avec dynamisme par un jeune chef bondissant tel un cabri sur son estrade, tournant les pages de sa partition plus vite que son ombre, sans même la regarder,
Ma Mère l’Oye de Ravel dans la version pour piano à quatre mains avec un LL assez maniéré au piano (quel jeu de mains !) et un HH au contraire très sobre; belle musique !
La Rhapsodie hongroise N°2 de Lizt, par les mêmes mais inversés (LL joue à droite cette fois), la musique d’un disque écouté mille fois du Cziffra de ma jeunesse – mais dans un tempo étonnamment lent, avec un phrasé très accentué, quasiment désarticulé – il apparait que c’est là la marque de fabrique de LL interprète.
La Danse Hongroise N°5 de Brahms avec tout l’orchestre – cette fois ça déménage dans la bonne humeur,
– Après l’entracte Le Carnaval de Dvorak; le chef est plus sportif que jamais, la musique étincelle !
Trois pièces de musique chinoise pour piano, des Histoires de Lune dans les nuages, jouées par Lang Lang seul – … bof !
Un solo improvisé par Herbie, un solo pas très inspiré, un peu décevant – il semble difficile d’alterner la musique écrite et l’impro jazzée,
– et enfin La Rhapsody in Blue de Gershin, tous ensemble pour ce final, l’orchestre et son chef toujours aussi mobile et sautillant sur son estrade, nos deux compères pianistes assis face à face, chacun à son Steinways dans un sketch musical désopilant; mais une interprétation passionnante, plus admirable encore que celle fameuse des sœurs Labèque – peut-être parce que cette pièce se prête bien à la « conduite sportive » du Chef John Axelrod et au style pianistique désarticulé de LL et de HH.

LL est le chouchou du public dans ce concert, celui de HH aussi (« He is really amazing, isn’t he! » nous dira t-il à un moment). Même les organisateurs lui ont concocté une présentation de deux pages, là où les autres intervenants – y compris HH – n’ont droit qu’à une seule. Star planétaire du piano, il se montre à l’aise, sympathique et finalement assez proche de ses admirateurs. Une vedette du show-biz musical à l’américaine, indéniablement, au moins autant que le pourtant très célèbre Herbie Hancock.

Pour les deux rappels, lui et son compère s’essayent ensemble dans l’improvisation, chacun à son piano, d’abord sur un thème de Chopin proposé par LL (difficile de se sortir du Classique !) puis librement – à la demande de HH qui nous montre LL en nous disant « He is a very good improviser, you know! ».
Hum, impréparation plutôt qu’improvisation, mais c’est un moment musical plein de rires, de vraie bonne humeur; ils s’amusent bien et nous aussi.
N’est-ce pas l’essentiel ?

7 réflexions sur « Lang Lang et Herbie Hancock à Pleyel »

  1. Les chaussures ? la marque Montblanc ? bah ! Peut-être bien…Il est difficile de ne pas être « récupéré » avec une telle notoriété.

    Lang-Lang est aussi bien engagé pour les droits de l’enfance ( UNICEF, diverses fondations ) http://www.unicef.org/french/infobycountry/china_46066.html

    à propos les amateurs de musique doivent regarder ces concert éducatifs, celui de Lang -Lang en particulier :
    http://www.citedelamusiquelive.tv/Concert/0961889.html

  2. Tellement à contre-courant dans le monde des artistes qu’il a, en 2008, lancé au niveau international la chaussure Adidas « Lang Lang ». En 2009, il est l’égérie de la marque Montblanc.

  3. Lang-Lang est un univers à lui tout seul, une sorte d’extra-terrestre.

    Lisez aussi sa biographie, « Lang-Lang le piano absolu, » c’est un récit passionnant, en fait un véritable roman ! Très facile à lire, on assiste pas à pas aux péripéties du jeune prodige… On y apprend aussi beaucoup sur les mentalités des professionnels de la musique d’orient et d’occident. On s’étonne qu’un artiste aussi épanoui, et joyeux que lui ait reçu une éducation si stricte, si intransigeante, dans un milieu professionnel plutôt hostile malgré son talent évident d’enfant prodige et ses milliers d’heures de travail acharné. Lang Lang a toujours cru à sa bonne étoile, il a bien eu raison !

    Ce n’est pas la première fois qu’il joue avec Hankock : http://www.dailymotion.com/video/x9wh6v_herbie-hancock-lang-lang-avec-l-onl_music

    J’aime bien aussi sa leçon plus ou moins improvisée sur cette pièce de Schumann :
    http://www.youtube.com/watch?v=ldlFa7qgPq0&feature=related

    Lang-Lang a le côté un peu « crazy » et généreux des musiciens de génie.

  4. Je reste que le bonheur existe et.au delà des  » fautes » de style ..quel bonheur de voir les limites des artistes mais leur joie .. communicative..le lendemain.. pogorelich incarne le paradoxe du.contre sens..fascinant

  5. Un peu sentencieux que le « Pour certains, le concert, c’est comme l’office du dimanche. C’est une affaire sérieuse ». D’autant que je n’aimerais pas que la sobriétés des concerts classique se voient dévoyer dans un show à l’américaine comme c’était le cas samedi soir.
    C’est d’ailleurs le principal reproche que je ferais à ce concert, que j’ai par ailleurs beaucoup apprécié – ma petite amie s’était saignée les veines pour me l’offrir.

    Tout d’abord, l’arrivé de HH en star internationale (qu’il est) tel un candidat en campagne, son jeu plus qu’approximatif et son manque de préparation à peine caché (transposition à l’octave systématique lors de sa piètre improvisation et mauvaise lecture de ma mère l’Oye sur certaines pièces).

    Concernant LL, dont je redoute qu’il ne soit lui aussi définitivement happé par le star-system, j’ai en revanche été très impressionné par sa technique, sa musicalité et sa maîtrise. J’ai adoré les pièces chinoises et leurs harmonies debussystes (ou plutôt les harmonies chinoises de Debussy) mais aussi ses libertés sur les partitions toujours bien senties.

    Enfin, a soufflé sur moi comme un vent de pitié à la vue des autographes quémandés lors des rappels et à la standing ovation (faut pas déconner !).

    1. C’est vrai que ce concert avait un coté « concert pop » assez étonnant pour les habitués (comme moi) des concerts classiques ou même de jazz, surtout salle Pleyel.

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