Le Lagrime del Peccatore de Lodovico Agostini (1586)

(C’est Castafiora, rédactrice invitée qui signe cette chronique du concert donné par l’ensemble Doulce mémoire, dirigé par Denis Raisin Dadre, en l’église des Blancs-Manteaux, à  Paris)

Les Lagrime del Peccatore » de Ludovico Agostini s’inscrivent dans la tradition des madrigaux spirituels donnés dans les confréries italiennes pendant la Semaine Sainte. Publiée en 1586 et dédiée au Duc de Mantoue, les Lagrime invitent à  la méditation sur le Reniement de Saint Pierre, comme les três fameuses Larmes de Saint Pierre de Roland de Lassus. Agostini offre là  son chant du cygne avec des pages sublimes inspirées par ses réflexions sur la mort, la croix et la briêveté de la vie. Cette œuvre inédite est donnée dans son contexte religieux avec, à  Paris et à  Orléans, la lecture de méditations sur la Passion du jésuite portugais, Gaspart Loarte.

Voilà  pour la présentation du concert, décrite par Denis Raisin Dadre dans un fascicule distribué gracieusement par l’Ensemble Doulce Mémoire à  la fin du concert.

L’église des Blancs Manteaux se trouve au coeur du Quartier du Marais à  Paris. L’église elle-même est un lieu de concerts três prisé par les musiciens et les chanteurs (eh oui, on dit les musiciens ET les chanteurs comme si les chanteurs n’étaient pas des « musiciens ») à  cause de son acoustique de grande qualité, de l’impression que ses pierres sont chargées d’histoire et de spiritualité, et de la gentillesse et la simplicité avec lesquelles Catherine Moureaux, l’incontournable organisatrice des concerts des Blancs Manteaux accueillent les artistes, les organisateurs, les visiteurs. Les chanteurs commencent sur une méditation sur la croix en langue italienne, j’ai l’impression d’être emportée dans un rythme perpétuel, comme si j’étais dans un train magique qui m’entraînerait vers Pierre, Pierre qui a par trois fois renié le Christ. C’est un passage particuliêrement douloureux de la Passion, passage qui me remplit toujours de tristesse pour Pierre qui – lorsqu’il se rendra compte qu’il a renié Jésus – « pleurera amêrement ». Je ne peux m’empêcher de penser au même passage dans la Passion selon St Jean de Bach que j’ai vue et écoutée deux semaines auparavant à  l’église Saint Roch, dirigée par Frans Brà¼ggen. Mais revenons à  Doulce Mémoire : les deux sopranes sont à  chaque extrémité, leur voix s’élêvent dans la nef avec la pureté du diamant, les deux ténors et l’alto mêlent leur voix, si bien qu’on ne sait plus si l’alto est ténor ou si l’un des ténors est devenu alto. Enfin, Philippe Roche, la basse est la colonne vertébrale du choeur avec sa magnifique voix aux graves superbement timbrés. Chaque final des madrigaux est « bouclé » d’un geste symbolique du chef, arrêtant le son de sa main gauche qui reste levée quelques secondes pendant que le public suspend son souffle – reprend ses esprits – en attendant un autre madrigal ou bien une intervention du récitant. Le récitant, Philippe Vallepin, metteur en scêne et comédien, travaille depuis plusieurs années avec Denis Raisin Dadre. Lui aussi a une belle voix de baryton, une articulation parfaite, il transmet la solennité et l’émotion, même quand il parle avec la prononciation restituée du XVIme siêcle. C’est un concert austêre, d’une grande beauté musicale et spirituelle. Il me renvoie à  ma culture chrétienne, à  mon passage de 10 années dans le chant choral et grégorien où¹ j’ai tant travaillé sur les textes sacrés, l’acoustique, l’émotion maîtrisée, l’écoute de chacun, et. La musique. C’est un concert si dense qu’il se suffit à  lui-même. On ne peut pas faire un bis aprês une telle prestation. Nous avons laissé Madeleine au pied de la croix et il est temps pour nous de partir lentement.
Pas moi, je ne peux m’empêcher d’aller féliciter Denis Raisin Dadre, Paulin Bà¼ndgen l’alto et Philippe Roche, la basse. Ca me fait plaisir et je sais qu’eux aussi sont heureux d’être salués et de pouvoir échanger quelques paroles avec le public.

2 réflexions sur « Le Lagrime del Peccatore de Lodovico Agostini (1586) »

  1. Et nous nous sommes heureux de lire ici cette chronique d’un des "Grands Concerts Sacrés" (comme les intitule le producteur, Philippe Maillard).

    Merci Castafiora !

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